Discours de M. SabòMesdames, Messieurs,
Adressons à Dieu le sincère hommage de notre reconnaissance pour avoir
jeté sur nous un regard paternel et bienveillant, en nous accordant la
faveur précieuse de recevoir les enseignements des bons Esprits qui, par
son ordre, viennent chaque jour nous aider à discerner la vérité de
l'erreur, nous donner la certitude d'un bonheur à venir, nous montrer
que la punition est proportionnée à l'offense, mais non point éternelle,
et nous faire comprendre cette juste et équitable loi de la
réincarnation, clef de voûte de l'édifice Spirite, qui sert à nous
purifier et à nous faire progresser vers le bien.
La
réincarnation, ai-je dit ! Mais pour rendre ce mot plus saisissable,
cédons un instant la parole à l'un de nos guides spirituels qui, pour
notre instruction spirite, a bien voulu développer en quelques mots ce
grave et si intéressant sujet pour notre pauvre humanité.
« La
réincarnation, dit-il, c'est l'enfer ; la réincarnation, c'est le
purgatoire ; la réincarnation, c'est l'expiation ; la réincarnation,
c'est le progrès ; elle est enfin la sainte échelle que doivent gravir
tous les hommes ; ses échelons sont les phases des différentes
existences à parcourir pour arriver au sommet, car Dieu l'a dit : pour
aller à lui, il faut naître, mourir et renaître jusqu'à ce qu'on soit
arrivé aux limites de la perfection, et nul n'arrive à lui sans avoir
été purifié par la réincarnation. »
Encore novice dans la
science Spirite, nous n'avions, pour la répandre que du zèle et de la
bonne volonté ; Dieu s'est contenté de cela et a béni nos faibles
efforts en faisant germer dans le cœur de quelques-uns de nos frères de
Bordeaux la semence de la divine parole.
En effet, depuis le
mois de janvier que nous nous occupons de la science pratique, nous
avons vu se rallier à nous un certain nombre de frères qui s'en
occupaient isolément ; d'autres qui en ont entendu parler par la voix de
la presse, ou par celle de la renommée, cette trompette retentissante
qui s'est chargée de faire savoir sur tous les points de notre ville
l'apparition de celle foi consolante, témoignage irrécusable de la bonté
de Dieu pour ses enfants.
Malgré les difficultés que nous
avons rencontrées sur notre route, forts de la pureté et de la droiture
de nos convictions, soutenus par les conseils de notre aimé et vénéré
chef M. Allan Kardec, nous avons la douce satisfaction, après neuf mois
d'apostolat, avec l'aide de quelques-uns de nos frères, de pouvoir nous
réunir aujourd'hui sous ses yeux pour l'inauguration de cette Société
qui, je l'espère, continuera à porter des fruits en abondance, et se
répandra comme une rosée bienfaisante sur les cœurs desséchés par le
matérialisme, endurcis par l'égoïsme, gonflés par l'orgueil, et portera
le baume de la résignation aux affligés et aux souffrants, aux pauvres
et aux déshérités des biens terrestres, en leur disant : « Confiance et
courage ; les épreuves terrestres sont courtes comparativement à
l'éternité de bonheur que Dieu vous réserve en récompense de vos
souffrances et de vos luttes ici-bas. »
Oui, je le confesse à
haute voix, je suis heureux d'être l'interprète d'un grand nombre de
membres de la Société Spirite de Bordeaux, en protestant de notre
fidélité à suivre la route qui nous est tracée par notre cher
missionnaire ici présent, parce que nous avons compris que, pour être
sûr, le progrès ne peut se faire que graduellement, et qu'en heurtant
trop fortement certaines idées reçues depuis des siècles, nous
éloignerions le moment de notre émancipation spirituelle. Il est
possible qu'il y ait parmi nous des opinions divergentes sous ce rapport
; nous les respectons. Pour nous, marchons peu à peu suivant cette
maxime de la sagesse des nations : que va piano va sano ; nous
arriverons plus tard, peut-être, mais nous arriverons plus sûrement,
parce que nous n'aurons pas rompu avec la foi de nos ancêtres, qui sera
toujours sacrée pour nous, qu'elle qu'elle soit ; servons-nous de la
lumière du Spiritisme, non pour abattre, mais pour nous améliorer, pour
progresser ; en supportant avec courage et résignation les vicissitudes
de cette vie où nous ne sommes que de passage, nous mériterons la faveur
d'être conduits à la fin de nos épreuves, par les Esprits du Seigneur, à
la jouissance de l'immortalité pour laquelle nous avons été créés.
Permettez, cher maître, qu'au nom des membres de cette Société qui
vous entourent, je vous remercie de l'honneur que vous leur avez fait en
venant inaugurer vous-même cette réunion de famille qui est une fête
pour nous tous, et qui marquera sans contredit dans les fastes du
Spiritisme ; recevez également en ce jour, qui restera gravé dans nos
cœurs et d'une manière toute particulière, l'expression bien sincère de
notre vive reconnaissance pour la bonté paternelle avec laquelle vous
avez encouragé nos faibles travaux ; c'est vous qui nous avez tracé la
route où nous sommes heureux de vous suivre, convaincus d'avance que
votre mission est de faire marcher le progrès spirituel dans notre belle
France qui, à son tour, donnera l'élan aux autres nations de la terre,
pour les faire arriver peu à peu au bonheur, par le progrès intellectuel
et moral.