Les animaux médiums (Société spirite de Paris. Médium M. d'Ambel.)J'aborde aujourd'hui cette question de la médianimité des animaux,
soulevée et soutenue par un de vos plus fervents adeptes. Il prétend, en
vertu de cet axiome, qui peut le plus peut le moins, que nous pouvons
médianimiser les oiseaux et les autres animaux, et nous en servir dans
nos communications avec l'espèce humaine. C'est ce que vous appelez en
philosophie, ou plutôt en logique, purement et simplement un sophisme.
« Vous animez, dit-il, la matière inerte, c'est-à-dire, une table, une
chaise, un piano ; à fortiori devez-vous animer la matière déjà animée
et notamment des oiseaux. » Eh bien ! dans l'état normal du Spiritisme,
cela n'est pas, cela ne peut pas exister.
D'abord, convenons
bien de nos faits. Qu'est-ce qu'un médium ? C'est l'être, c'est
l'individu qui sert de trait d'union aux Esprits, pour que ceux-ci
puissent avec facilité se communiquer aux hommes : Esprits incarnés. Par
conséquent, sans médium, point de communications tangibles, mentales,
scriptives, physiques, ni de quelque sorte que ce soit.
Il est
un principe qui, j'en suis sûr, est admis par tous les Spirites : c'est
que les semblables agissent avec leurs semblables et comme leurs
semblables. Or, quels sont les semblables des Esprits, sinon les
Esprits, incarnés ou non ? Faut-il vous le répéter sans cesse ? Eh bien !
je vous le répéterai encore : Votre périsprit et le nôtre sont puisés
dans le même milieu, sont d'une nature identique, sont semblables en un
mot ; ils possèdent une propriété d'assimilation plus ou moins
développée, d'aimantation plus ou moins vigoureuse, qui nous permet,
Esprits et incarnés, de nous mettre très promptement et très facilement
en rapport. Enfin, ce qui appartient en propre aux médiums, ce qui est
de l'essence même de leur individualité, c'est une affinité spéciale, et
en même temps une force d'expansion particulière qui anéantissent en
eux toute réfractibilité, et établissent entre eux et nous une sorte de
courant, une espèce de fusion qui facilite nos communications. C'est, du
reste, cette réfractibilité de la matière qui s'oppose au développement
de la médianimité chez la plupart de ceux qui ne sont pas médiums.
J'ajouterai que c'est à cette qualité réfractaire qu'il faut attribuer
la particularité qui fait que certains individus, non médiums,
transmettent et développent la médianimité, par leur simple contact,
chez des médiums novices ou chez des médiums presque passifs,
c'est-à-dire dépourvus de certaines qualités médianimiques.
Les
hommes sont toujours disposés à tout exagérer ; les uns, je ne parle
pas ici des matérialistes, refusent une âme aux animaux, et d'autres
veulent leur en donner une, pour ainsi dire pareille à la nôtre.
Pourquoi vouloir ainsi confondre le perfectible avec l'imperfectible ?
Non, non, soyez-en bien convaincus, le feu qui anime les bêtes, le
souffle qui les fait agir, mouvoir et parler en leur langage, n'a, quant
à présent, aucune aptitude à se mêler, à s'unir, à se fondre avec le
souffle divin, l'âme éthérée, l'Esprit en un mot, qui anime l'être
essentiellement perfectible, l'homme, ce roi de la création. Or,
n'est-ce pas ce qui fait la supériorité de l'espèce humaine sur les
autres espèces terrestres que cette condition essentielle de
perfectibilité ? Eh bien ! reconnaissez donc qu'on ne peut assimiler à
l'homme, seul perfectible en lui-même et dans ses œuvres, aucun individu
des autres races vivantes sur la terre.
Le chien, que son
intelligence supérieure parmi les animaux, a rendu l'ami et le commensal
de l'homme, est-il perfectible de son chef et de son initiative
personnelle ? Nul n'oserait le soutenir ; car le chien ne fait pas
progresser le chien ; et celui d'entre eux qui est le mieux dressé est
toujours dressé par son maître. Depuis que le monde est monde, la loutre
bâtit toujours sa hutte sur les eaux, d'après les mêmes proportions et
suivant une règle invariable ; les rossignols et les hirondelles n'ont
jamais construit leurs nids autrement que leurs pères ne l'avaient fait.
Un nid de moineaux d'avant le déluge, comme un nid de moineaux de
l'époque moderne, est toujours un nid de moineaux, édifié dans les mêmes
conditions et avec le même système d'entrelacement de brins d'herbes et
de débris, recueillis au printemps à l'époque des amours. Les abeilles
et les fourmis, ces petites républiques ménagères, n'ont jamais varié
dans leurs habitudes d'approvisionnement, dans leurs allures, dans leurs
mœurs, dans leurs productions. Enfin l'araignée tisse toujours sa toile
de la même manière.
D'un autre côté, si vous cherchez les
cabanes de feuillage et les tentes des premiers âges de la terre, vous
rencontrerez à leur place les palais et les châteaux de la civilisation
moderne ; aux vêtements de peaux brutes, ont succédé les tissus d'or et
de soie ; enfin, à chaque pas vous trouvez la preuve de cette marche
incessante de l'humanité vers le progrès.
De ce progrès
constant, invincible, irrécusable de l'espèce humaine, et de ce
stationnement indéfini des autres espèces animées, concluez avec moi que
s'il existe des principes communs à ce qui vit et se meut sur la terre :
le souffle et la matière, il n'en est pas moins vrai que vous seuls,
Esprits incarnés, êtes soumis à cette inévitable loi du progrès, qui
vous pousse fatalement en avant et toujours en avant. Dieu a mis les
animaux à côté de vous comme des auxiliaires pour vous nourrir, vous
vêtir, vous seconder. Il leur a donné une certaine dose d'intelligence,
parce que, pour vous aider, il leur fallait comprendre, et il a
proportionné leur intelligence aux services qu'il sont appelés à rendre ;
mais, dans sa sagesse, il n'a pas voulu qu'il fussent soumis à la même
loi du progrès ; tels ils ont été créés, tels ils sont restés et
resteront jusqu'à l'extinction de leurs races.
On a dit : les
Esprits médianimisent et font mouvoir la matière inerte, des chaises,
des tables, des pianos ; font mouvoir, oui ; mais médianimisent, non !
Car, encore une fois, sans médium aucun de ces phénomènes ne peut se
produire. Qu'y a-t-il d'extraordinaire qu'à l'aide d'un ou de plusieurs
médiums nous fassions mouvoir la matière inerte, passive, qui, justement
en raison de sa passivité, de son inertie, est propre à subir les
mouvements et les impulsions que nous désirons lui imprimer ? Pour cela
nous avons besoin de médiums, c'est positif ; mais il n'est pas
nécessaire que le médium soit présent ou conscient, car nous pouvons
agir avec les éléments qu'il nous fournit, à son insu et hors de sa
présence, surtout dans les faits de tangibilité et d'apports. Notre
enveloppe fluidique, plus impondérable et plus subtile que le plus
subtil et le plus impondérable de vos gaz, s'unissant, se mariant, se
combinant avec l'enveloppe fluidique, mais animalisée du médium, et dont
la propriété d'expansion et de pénétrabilité est insaisissable pour vos
sens grossiers, et presque inexplicable pour vous, nous permet de
mouvoir des meubles et même de les briser dans des pièces inhabitées.
Certainement les Esprits peuvent se rendre visibles et tangibles pour
les animaux, et souvent telle frayeur subite que prennent ceux-ci, et
qui ne vous semble pas motivée, est causée par la vue d'un ou de
plusieurs de ces Esprits mal intentionnés pour les individus présents ou
pour ceux à qui appartiennent ces animaux. Très souvent, vous apercevez
des chevaux qui ne veulent ni avancer ni reculer, ou qui se cabrent
devant un obstacle imaginaire ; eh bien ! tenez pour certain que
l'obstacle imaginaire est souvent un Esprit ou un groupe d'Esprits qui
se plaît à les empêcher d'avancer. Rappelez-vous l'ânesse de Balaam, qui
voyant un ange devant elle, et redoutant son épée flamboyante,
s'obstinait à ne pas bouger ; c'est qu'avant de se manifester
visiblement à Balaam, l'ange avait voulu se rendre visible pour l'animal
seul ; mais, je le répète, nous ne médianimisons directement ni les
animaux ni la matière inerte ; il nous faut toujours le concours
conscient ou inconscient d'un médium humain, parce qu'il nous faut
l'union de fluides similaires, ce que nous ne trouvons ni dans les
animaux, ni dans la matière brute.
M. Thiry, dit-il, a
magnétisé son chien ; à quoi est-il arrivé ? Il l'a tué ; car ce
malheureux animal est mort après être tombé dans une espèce d'atonie, de
langueur, conséquence de sa magnétisation. En effet, en l'inondant d'un
fluide puisé dans une essence supérieure à l'essence spéciale à sa
nature, il l'a écrasé et a agi sur lui, quoique plus lentement, à la
manière de la foudre. Donc, comme il n'y a nulle assimilation possible
entre notre périsprit et l'enveloppe fluidique des animaux proprement
dits, nous les écraserions instantanément en les médianimisant.
Ceci établi, je reconnais parfaitement que chez les animaux il existe
des aptitudes diverses ; que certains sentiments, que certaines passions
identiques aux passions et aux sentiments humains se développent en eux
; qu'ils sont sensibles et reconnaissants, vindicatifs et haineux,
suivant que l'on agit bien ou mal avec eux. C'est que Dieu, qui ne fait
rien d'incomplet, a donné aux animaux, compagnons ou serviteurs de
l'homme, des qualités de sociabilité qui manquent entièrement aux
animaux sauvages qui habitent les solitudes.
Pour me résumer :
les faits médianimiques ne peuvent se manifester sans le concours
conscient ou inconscient du médium ; et ce n'est que parmi les incarnés,
Esprits comme nous, que nous pouvons rencontrer ceux qui peuvent nous
servir de médiums. Quant à dresser des chiens, des oiseaux ou autres
animaux pour faire tels ou tels exercices, c'est votre affaire et non la
nôtre.
Éraste.
Remarque. A
propos de la discussion qui eut lien dans la Société sur la médianimité
des animaux, M. Allan Kardec dit qu'il a observé très attentivement les
expériences qui ont été faites en ces derniers temps sur des oiseaux
auxquels on attribuait la faculté médianimique, et il ajoute qu'il y a
reconnu de la manière la moins contestable les procédés de la
prestidigitation, c'est-à-dire des cartes forcées, mais employées avec
assez d'adresse pour faire illusion sur des spectateurs qui se
contentent de l'apparence sans scruter le fond. En effet, ces oiseaux
font des choses que ni l'homme le plus intelligent, ni même le
somnambule le plus lucide ne pourraient faire, d'où il faudrait conclure
qu'ils possèdent des facultés intellectuelles supérieures à l'homme, ce
qui serait contraire aux lois de la nature. Ce qu'il faut le plus
admirer dans ces expériences, c'est l'art, la patience qu'il a fallu
déployer pour dresser ces animaux, les rendre dociles et attentifs ;
pour obtenir ces résultats, il a certainement fallu avoir affaire à des
natures flexibles, mais ce ne peut être en définitive que des animaux
dressés, chez qui il y a plus d'habitude que de combinaisons ; et la
preuve en est, c'est que si on cesse de les exercer pendant quelque
temps, ils perdent bientôt ce qu'ils ont appris. Le charme de ces
expériences, comme celui de tous les tours de prestidigitation, est dans
le secret des procédés ; une fois le procédé connu, elles perdent tout
leur attrait ; c'est ce qui est arrivé quand les saltimbanques ont voulu
imiter la lucidité somnambulique par le prétendu phénomène de ce qu'ils
appelaient la double vue. Il ne pouvait y avoir d'illusion pour
quiconque connaissait les conditions normales du somnambulisme ; il en
est de même de la prétendue médianimité des oiseaux dont tout
observateur expérimenté peut facilement se rendre compte.