De l'influence morale des médiums dans les communications (Société Spirite de Paris. Médium M. d'Ambel.)Nous l'avons déjà dit : les médiums, en tant que médiums, n'ont qu'une
influence secondaire dans les communications des Esprits ; leur tâche
est celle d'une machine électrique, qui transmet les dépêches
télégraphiques d'un point éloigné à un autre point éloigné de la terre.
Ainsi, quand nous voulons dicter une communication, nous agissons sur le
médium, comme l'employé du télégraphe sur son appareil ; c'est-à-dire
que de même que le tac tac du télégraphe dessine à des milliers de
lieues, sur une bande de papier, les signes reproducteurs de la dépêche,
de même nous communiquons à travers les distances incommensurables qui
séparent le monde visible du monde invisible, le monde immatériel du
monde incarné, ce que nous voulons vous enseigner au moyen de l'appareil
médianimique. Mais aussi, de même que les influences atmosphériques
agissent, et troublent souvent les transmissions du télégraphe
électrique, l'influence morale du médium agit, et trouble quelquefois la
transmission de nos dépêches d'outre-tombe ; parce que nous sommes
obligés de les faire passer par un milieu qui leur est contraire.
Cependant, le plus souvent cette influence est annulée par notre énergie
et notre volonté, et aucun acte perturbateur ne se manifeste. En effet,
des dictées d'une haute portée philosophique, des communications d'une
parfaite moralité, sont transmises quelquefois par des médiums peu
propices à ces enseignements supérieurs ; tandis que, d'un autre côté,
des communications peu édifiantes arrivent aussi quelquefois par des
médiums tout honteux de leur avoir servi de conducteur.
En
thèse générale, on peut affirmer que les Esprits similaires appellent
les Esprits similaires, et que rarement les Esprits des pléiades élevées
se communiquent par des appareils mauvais conducteurs, quand ils ont
sous la main de bons appareils médianimiques, de bons médiums en un mot.
Les médiums légers et peu sérieux appellent donc des Esprits de même
nature ; c'est pourquoi leurs communications sont empreintes de
banalités, de frivolités, d'idées sans suite et souvent fort
hétérodoxes, spiritement parlant. Certes, ils peuvent dire et disent
quelquefois de bonnes choses ; mais c'est dans ce cas surtout qu'il faut
apporter un examen sévère et scrupuleux, car, au milieu de ces bonnes
choses, certains Esprits hypocrites insinuent avec habileté et avec une
perfidie calculée des faits controuvés, des assertions mensongères, afin
de duper la bonne foi de leurs auditeurs. On doit alors élaguer sans
pitié tout mot, toute phrase équivoques, et ne conserver de la dictée
que ce que la logique accepte, ou ce que la doctrine a déjà enseigné.
Les communications de cette nature ne sont à redouter que pour les
Spirites isolés, les groupes récents ou peu éclairés, car, dans les
réunions où les adeptes sont plus avancés et ont acquis de l'expérience,
le geai a beau se parer des plumes du paon, il est toujours
impitoyablement éconduit.
Je ne parlerai pas des médiums qui se
plaisent à solliciter et à écouter des communications ordurières ;
laissons-les se complaire dans la société des Esprits cyniques.
D'ailleurs, les communications de cet ordre recherchent d'elles-mêmes la
solitude et l'isolement ; elles ne pourraient, en tout cas, que
soulever le dédain et le dégoût parmi les membres des groupes
philosophiques et sérieux. Mais où l'influence morale du médium se fait
réellement sentir, c'est quand celui-ci substitue ses idées personnelles
à celles que les Esprits s'efforcent de lui suggérer ; c'est encore
lorsqu'il puise dans son imagination des théories fantastiques qu'il
croit lui-même, de bonne foi, résulter d'une communication intuitive. Il
y a souvent alors mille à parier contre un que ceci n'est que le reflet
de l'Esprit personnel du médium ; et il arrive même ce fait curieux,
c'est que la main du médium se meut quelquefois presque mécaniquement,
poussée qu'elle est par un Esprit secondaire et moqueur. C'est contre
cette pierre de touche que viennent se briser les imaginations jeunes et
ardentes ; car, emportés par la fougue de leurs propres idées, par le
clinquant de leurs connaissances littéraires, ils méconnaissent la
modeste dictée d'un sage Esprit, et abandonnant la proie pour l'ombre, y
substituent une paraphrase ampoulée. C'est contre cet écueil redoutable
que viennent également échouer les personnalités ambitieuses qui, à
défaut des communications que les bons Esprits leur refusent, présentent
leurs propres œuvres comme l'œuvre de ces Esprits eux-mêmes. Voilà
pourquoi il faut que les chefs des groupes Spirites soient pourvus d'un
tact exquis et d'une rare sagacité, pour discerner les communications
authentiques de celles qui ne le sont pas, et pour ne pas blesser ceux
qui se font illusion à eux-mêmes.
Dans le doute, abstiens-toi,
dit un de vos anciens proverbes ; n'admettez donc que ce qui est pour
vous d'une évidence certaine. Dès qu'une opinion nouvelle se fait jour,
pour peu qu'elle vous semble douteuse, passez-la au laminoir de la
raison et de la logique ; ce que la raison et le bon sens réprouvent,
rejetez-le hardiment ; mieux vaut repousser dix vérités, qu'admettre un
seul mensonge, une seule fausse théorie. En effet, sur cette théorie
vous pourriez édifier tout un système qui croulerait au premier souffle
de la vérité comme un monument bâti sur un sable mouvant ; tandis que,
si vous rejetez aujourd'hui certaines vérités, parce qu'elles ne vous
sont pas démontrées logiquement et clairement, bientôt un fait brutal ou
une démonstration irréfutable viendra vous en affirmer l'authenticité.
Rappelez-vous, néanmoins, ô Spirites, qu'il n'y a d'impossible pour
Dieu et pour les bons Esprits que l'injustice et l'iniquité.
Le
Spiritisme est assez répandu maintenant parmi les hommes, et a
suffisamment moralisé les adeptes sincères de sa sainte doctrine, pour
que les Esprits ne soient plus réduits à employer de mauvais outils, des
médiums imparfaits. Si donc maintenant un médium, quel qu'il soit,
donne, par sa conduite ou ses mœurs, par son orgueil, par son manque
d'amour et de charité, un légitime sujet de suspicion, repoussez,
repoussez, ses communications, car il y a un serpent caché dans l'herbe.
Voilà ma conclusion sur l'influence morale des médiums.
Éraste.