Questions adressées à Buffon à propos de sa communicationDem. Nous vous remercions de la spirituelle communication que vous
avez bien voulu nous donner ; mais il y a une chose qui nous étonne,
c'est que vous soyez si au courant des moindres détails de notre
littérature, appréciant avec une justesse remarquable les œuvres et les
auteurs. Vous vous occupez donc encore assez de ce qui se passe sur la
terre pour en avoir connaissance ? Vous lisez donc tout ce qui se publie
? Veuillez nous donner à ce sujet une explication qui sera très utile à
notre instruction.
Rép. Nous n'avons pas besoin de beaucoup de
temps pour lire et apprécier ; d'un seul coup d'œil nous percevons
l'ensemble des ouvrages qui attirent notre attention. Tous, tant que
nous sommes, nous nous occupons avec intérêt de votre cher petit groupe,
et vous ne sauriez croire combien de ceux que vous appeliez hommes
éminents suivent avec bienveillance les progrès du Spiritisme. Aussi
vous devez penser combien j'ai été heureux de voir mon nom prononcé par
un de vos fidèles Esprits, Lamennais, et avec quel empressement j'ai
saisi l'occasion de me communiquer à vous. En effet, lorsque j'ai été
mis en cause à votre dernière séance, j'ai reçu, pour ainsi dire, le
contrecoup de votre pensée ; et ne voulant pas que la vérité que j'avais
proclamée dans mes écrits fût renversée sans être défendue, j'ai prié
Éraste de me prêter son médium pour répondre aux assertions de
Lamennais. D'un autre côté, vous devez comprendre que chacun de nous
reste fidèle à ses préférences terrestres ; c'est pourquoi nous autres
écrivains sommes attentifs au progrès que les auteurs vivants font
accomplir, ou croient faire accomplir à la littérature ; de même que les
Jouffroy, les Laroque, les la Romiguière, se préoccupent de la
philosophie, et les Lavoisier, les Berzélius, les Thénard de la chimie,
chacun cultive son dada et se rappelle avec amour ses travaux, suivant
d'un œil inquiet ce que font ses successeurs.
Dem. Vous avez
apprécié en peu de mots plusieurs écrivains contemporains, morts ou
vivants ; nous vous serions très reconnaissants de nous donner, sur
quelques-uns, une appréciation un peu plus développée ; ce serait un
travail suivi qui nous serait fort utile. Nous vous prierons, pour
commencer, de nous parler de Bernardin de Saint-Pierre, et surtout de
son Paul et Virginie que vous aviez condamné à la lecture, et qui
pourtant est devenu un des ouvrages les plus populaires.
Rép.
Je ne peux pas ici entreprendre le développement critique des œuvres de
Bernardin de Saint-Pierre ; mais quant à mon appréciation d'alors, je
peux l'avouer aujourd'hui : j'étais comme M. Josse, un peu trop orfévre ;
en un mot, fidèle à l'Esprit de confraternité littéraire, j'éreintais
de mon mieux un importun et important concurrent. Je vous donnerai plus
tard mon appréciation vraie sur cet éminent écrivain, si un Esprit
réellement critique, comme Merle ou Geoffroy, ne se charge pas de le
faire.
Buffon.