Il faut nécessairement, pour obtenir des phénomènes de cet ordre, avoir
avec soi des médiums que j'appellerai sensitifs, c'est-à-dire, doués au
plus haut degré des facultés médianimiques d'expansion et de
pénétrabilité ; parce que le système nerveux de ces médiums, facilement
excitable, leur permet, au moyen de certaines vibrations, de projeter
autour d'eux, avec profusion, leur fluide animalisé.
Les
natures impressionnables, les personnes dont les nerfs vibrent au
moindre sentiment, à la plus petite sensation, que l'influence morale ou
physique, interne ou externe, sensibilise, sont des sujets très aptes à
devenir d'excellents médiums pour les effets physiques de tangibilité
et d'apports. En effet, leur système nerveux, presque entièrement
dépourvu de l'enveloppe réfractaire, qui isole ce système chez la
plupart des autres incarnés, les rend propres au développement de ces
divers phénomènes. En conséquence, avec un sujet de cette nature, et
dont les autres facultés ne sont pas hostiles à la médianimisation, on
obtiendra plus facilement les phénomènes de tangibilité, les coups
frappés dans les murs et dans les meubles, les mouvements intelligents,
et même la suspension dans l'espace de la matière inerte la plus lourde ;
à fortiori, obtiendra-t-on ces résultats si, au lieu d'un médium, on en
a sous la main plusieurs également bien doués.
Mais de la
production de ces phénomènes à l'obtention de celui des apports, il y a
tout un monde ; car, dans ce cas, non seulement le travail de l'Esprit
est plus complexe, plus difficile, mais bien plus, l'Esprit ne peut
opérer qu'au moyen d'un seul appareil médianimique, c'est-à-dire que
plusieurs médiums ne peuvent pas concourir simultanément à la production
du même phénomène. Il arrive même, au contraire, que la présence de
certaines personnes antipathiques à l'Esprit qui opère entrave
radicalement son opération. A ces motifs qui, comme vous le voyez, ne
manquent pas d'importance, ajoutez que les apports nécessitent toujours
une plus grande concentration et en même temps une plus grande diffusion
de certains fluides, et qu'enfin ils ne peuvent être obtenus qu'avec
les médiums les mieux doués, ceux, en un mot, dont l'appareil
électro-médianimique est le mieux conditionné.
En général, les
faits d'apports sont et resteront excessivement rares. Je n'ai pas
besoin de vous démontrer pourquoi ils sont et seront moins fréquents que
les autres faits de tangibilité ; de ce que je dis vous le déduirez
vous-mêmes. D'ailleurs, ces phénomènes sont d'une nature telle, que non
seulement tous les médiums n'y sont pas propres, mais que tous les
Esprits eux-mêmes ne peuvent pas les produire. En effet, il faut
qu'entre l'Esprit et le médium influencé il existe une certaine
affinité, une certaine analogie, en un mot une certaine ressemblance qui
permette à la partie expansible du fluide périspritique
[1]
de l'incarné de se mêler, de s'unir, de se combiner avec celui de
l'Esprit qui veut faire un apport. Cette fusion doit être telle que la
force résultante devienne, pour ainsi dire, une ; de même qu'un courant
électrique, en agissant sur le charbon, produit un foyer, une clarté
uniques.
Pourquoi cette union ? pourquoi cette fusion,
direz-vous ? C'est que, pour la production de ces phénomènes, il faut
que les propriétés essentielles de l'Esprit moteur soient augmentées de
quelques-unes de celles du médianimisé ; c'est que le fluide vital,
indispensable à la production de tous les phénomènes médianimiques, est
l'apanage exclusif de l'incarné, et que, par conséquent, l'Esprit
opérateur est obligé de s'en imprégner. Ce n'est qu'alors qu'il peut, au
moyen de certaines propriétés de votre milieu ambiant, inconnues pour
vous, isoler, rendre invisibles et faire mouvoir certains objets
matériels, et des incarnés eux-mêmes.
Il ne m'est pas permis,
pour le moment, de vous dévoiler ces lois particulières qui régissent
les gaz et les fluides qui vous environnent ; mais avant que des années
soient écoulées, avant qu'une existence d'homme soit accomplie,
l'explication de ces lois et de ces phénomènes vous sera révélée, et
vous verrez surgir et se produire une nouvelle variété de médiums, qui
tomberont dans un état cataleptique particulier dès qu'ils seront
médianimisés.
Vous voyez de combien de difficultés la
production des apports se trouve entourée ; vous pouvez en conclure très
logiquement que les phénomènes de cette nature sont excessivement
rares, et avec d'autant plus de raison que les Esprits s'y prêtent fort
peu, parce que cela motive de leur part un travail quasi matériel, ce
qui est un ennui et une fatigue pour eux. D'autre part, il arrive encore
ceci : c'est que très souvent, malgré leur énergie et leur volonté,
l'état du médium lui-même leur oppose une barrière infranchissable.
Il est donc évident, et votre raisonnement le sanctionne, je n'en
doute pas, que les faits tangibles de coups, de mouvement et de
suspension sont des phénomènes simples, qui s'opèrent par la
concentration et la dilatation de certains fluides, et qu'ils peuvent
être provoqués et obtenus par la volonté et le travail des médiums qui y
sont aptes, quand ceux-ci sont secondés par des Esprits amis et
bienveillants ; tandis que les faits d'apports sont multiples,
complexes, exigent un concours de circonstances spéciales, ne peuvent
s'opérer que par un seul Esprit et un seul médium, et nécessitent, en
dehors des besoins de la tangibilité, une combinaison toute particulière
pour isoler et rendre invisible l'objet ou les objets qui font le sujet
de l'apport.
Vous tous, Spirites, vous comprenez mes
explications, et vous vous rendez parfaitement compte de cette
concentration de fluides spéciaux, pour la locomotion et la tactilité de
la matière inerte ; vous y croyez, comme vous croyez aux phénomènes de
l'électricité et du magnétisme, avec lesquels les faits médianimiques
sont pleins d'analogie, et en sont, pour ainsi dire, la consécration et
le développement. Quant aux incrédules, je n'ai que faire de les
convaincre, je ne m'occupe pas d'eux ; ils le seront un jour, par la
force de l'évidence, car il faudra bien qu'ils s'inclinent devant le
témoignage unanime des faits spirites, comme ils ont été forcés de le
faire devant tant d'autres faits qu'ils avaient d'abord repoussés.
Pour me résumer : si les faits de tangibilité sont fréquents, les
faits d'apports sont très rares, parce que les conditions en sont très
difficiles ; par conséquent, nul médium ne peut dire : A telle heure, à
tel moment, j'obtiendrai un apport ; car souvent l'Esprit lui-même se
trouve empêché dans son œuvre. Je dois ajouter que ces phénomènes sont
doublement difficiles en public, car on y rencontre presque toujours des
éléments énergiquement réfractaires qui paralysent les efforts de
l'Esprit, et à plus forte raison l'action du médium. Tenez, au
contraire, pour certain, que ces phénomènes se produisent spontanément ;
le plus souvent à l'insu des médiums et sans préméditation, presque
toujours en particulier, et enfin, fort rarement, quand ceux-ci en sont
prévenus ; d'où vous devez conclure qu'il y a motif légitime de
suspicion, toutes les fois qu'un médium se flatte de les obtenir à
volonté, autrement dit, de commander aux Esprits comme à des serviteurs,
ce qui est tout simplement absurde. Tenez encore pour règle générale
que les phénomènes spirites ne sont point faits pour être donnés en
spectacle et pour amuser les curieux. Si quelques Esprits se prêtent à
ces sortes de choses, ce ne peut être que pour des phénomènes simples,
et non pour ceux qui, comme les apports et autres semblables, exigent
des conditions exceptionnelles.
Rappelez-vous, Spirites, que
s'il est absurde de repousser systématiquement tous les phénomènes
d'outre-tombe, il n'est pas sage non plus de les accepter tous
aveuglément. Quand un phénomène de tangibilité, d'apparition, de
visibilité ou d'apport se manifeste spontanément et d'une manière
instantanée, acceptez-le ; mais, je ne saurais trop vous le répéter,
n'acceptez rien aveuglément ; que chaque fait subisse un examen
minutieux, approfondi et sévère ; car, croyez-le, le Spiritisme, si
riche en phénomènes sublimes et grandioses, n'a rien à gagner à ces
petites manifestations que d'habiles prestidigitateurs peuvent imiter.
Je sais bien ce que vous allez me dire : c'est que ces phénomènes sont
utiles pour convaincre les incrédules ; mais sachez bien que si vous
n'aviez pas eu d'autres moyens de conviction, vous n'auriez pas
aujourd'hui la centième partie des Spirites que vous avez. Parlez au
cœur ; c'est par là que vous ferez le plus de conversions sérieuses. Si
vous croyez utile, pour certaines personnes, d'agir par les faits
matériels, présentez-les au moins dans des circonstances telles qu'ils
ne puissent donner lieu à aucune fausse interprétation, et surtout ne
sortez pas des conditions normales de ces faits ; car les faits
présentés dans de mauvaises conditions fournissent des arguments aux
incrédules au lieu de les convaincre.
Eraste.