Le Paupérisme (Envoi de M. Sabô, de Bordeaux.)C'est en vain que les philanthropes de votre terre rêvent des choses
qu'ils ne verront jamais se réaliser. Rappelez-vous cette parole du
Christ : « Vous aurez toujours des pauvres parmi vous, » et vous savez
que ses paroles sont des paroles de vérité. N'est-ce pas, mon ami, qu'à
présent que vous connaissez le Spiritisme, vous trouvez juste et
équitable cette inégalité des conditions qui vous soulevait le cœur,
gros de murmures contre ce Dieu qui n'avait pas fait tous les hommes
également riches et heureux ? Eh bien ! maintenant que vous pensez que
Dieu fait bien tout ce qu'il fait, et que vous savez que la pauvreté est
un châtiment ou une épreuve, cherchez à la soulager, mais ne venez pas,
par des utopies, faire rêver au malheureux une égalité impossible.
Certes que, par une sage organisation sociale, on peut alléger bien des
souffrances, et c'est à quoi il faut viser ; mais prétendre les faire
toutes disparaître de dessus la surface de la terre est une idée
chimérique. La terre étant un lieu d'expiation, il y aura toujours des
pauvres qui expient dans cette épreuve l'abus qu'ils ont fait des biens
dont Dieu les avait fait les dispensateurs et qui n'ont jamais connu la
douceur de faire du bien à leurs frères ; qui ont thésaurisé pièce à
pièce pour amasser des richesses inutiles à eux-mêmes et aux autres ;
qui se sont enrichis des dépouilles de la veuve et de l'orphelin. Oh !
ceux-là sont bien coupables, et leur égoïsme aura un terrible retour !
Gardez-vous cependant de voir dans tous les pauvres des coupables en
punition ; si la pauvreté est pour quelques-uns une expiation sévère,
pour d'autres c'est une épreuve qui doit leur ouvrir plus promptement le
sanctuaire des élus. Oui, il y aura toujours des pauvres et des riches,
pour que les uns aient le mérite de la résignation, et les autres celui
de la charité et du dévouement. Que vous soyez riches ou pauvres, vous
êtes sur un terrain glissant qui peut vous précipiter dans l'abîme, et
sur la pente duquel vos vertus seules peuvent vous retenir.
Quand je dis qu'il y aura toujours des pauvres sur la terre, je veux
dire tant qu'il y aura des vices qui en feront un lieu d'expiation pour
les Esprits pervers que Dieu y envoie s'incarner pour leur propre
châtiment et celui des vivants. Méritez par vos vertus, que Dieu ne vous
envoie que de bons Esprits, et d'un enfer vous ferez un paradis
terrestre.
Adolphe, évêque d'Alger.