De la révélation
La révélation, dans le sens liturgique,
implique une idée de mysticisme et de merveilleux. Le matérialisme la repousse
naturellement, parce qu'elle suppose l'intervention de puissances et
d'intelligences extra-humaines. En dehors de la négation absolue, beaucoup de
personnes se posent aujourd'hui ces questions : Y a-t-il eu ou non une
révélation ? La révélation est-elle nécessaire ? En apportant aux
hommes la vérité toute faite, n'aurait-elle pas pour effet de les empêcher de
faire usage de leurs facultés, puisqu'elle leur épargnerait le travail de la
recherche ? Ces objections naissent de la fausse idée que l'on se fait de
la révélation. Prenons-la d'abord dans son acception la plus simple, pour la
suivre jusqu'à son point le plus élevé.
Révéler, c'est faire connaître une chose
qui n'est pas connue ; c'est apprendre à quelqu'un ce qu'il ne sait pas. A
ce point de vue, il y a pour nous une révélation pour ainsi dire incessante.
Quel est le rôle du professeur vis-à-vis de ses élèves, si ce n'est celui d'un
révélateur ? Il leur enseigne ce qu'ils ne savent pas, ce qu'ils
n'auraient ni le temps, ni la possibilité de découvrir eux-mêmes, parce que la
science est l'œuvre collective des siècles et d'une multitude d'hommes qui y
ont apporté chacun leur contingent d'observations, et dont profitent ceux qui
viennent après eux. L'enseignement est donc, en réalité, la révélation de
certaines vérités scientifiques ou morales, physiques ou métaphysiques, faite
par des hommes qui les connaissent, à d'autres hommes qui les ignorent, et qui,
sans cela, les eussent toujours ignorées. Trouverait-on plus logique de les
laisser chercher eux-mêmes ces vérités ? d'attendre pour leur apprendre à
se servir de la vapeur qu'ils eussent inventé la mécanique ? Ne
pourrait-on pas dire qu'en leur révélant ce que d'autres ont trouvé, on les
empêche d'exercer leurs facultés ? N'est-ce pas, au contraire, en
s'appuyant sur la connaissance des découvertes antérieures qu'ils arrivent aux
découvertes nouvelles ? Faire connaître au plus grand nombre possible la
plus grande somme possible de vérités connues, c'est donc provoquer l'activité
de l'intelligence au lieu de l'étouffer, et pousser au progrès ; sans
cela, l'homme resterait stationnaire.
Mais le professeur n'enseigne que ce qu'il
a appris ; c'est un révélateur de second ordre ; l'homme de génie
enseigne ce qu'il a trouvé lui-même : c'est le révélateur primitif ;
c'est lui qui a apporté la lumière qui, de proche en proche, s'est vulgarisée.
Où en serait l'humanité, sans la révélation des hommes de génie qui apparaissent
de temps à autre ?
Mais qu'est-ce que les hommes de
génie ? Pourquoi sont-ils hommes de génie ? D'où viennent-ils ?
Que deviennent-ils ? Remarquons que la plupart apportent en naissant des
facultés transcendantes et des connaissances innées, qu'un peu de travail
suffit pour développer. Ils appartiennent bien réellement à l'humanité,
puisqu'ils naissent, vivent et meurent comme nous. Où donc ont-ils puisé ces
connaissances qu'ils n'ont pu acquérir de leur vivant ? Dira-t-on, avec
les matérialistes, que le hasard leur a donné la matière cérébrale en plus
grande quantité et de meilleure qualité ? Dans ce cas, ils n'auraient pas
plus de mérite qu'un légume plus gros et plus savoureux qu'un autre.
Dira-t-on, avec certains spiritualistes,
que Dieu les a doués d'une âme plus favorisée que celle du commun des
hommes ? Supposition tout aussi illogique, puisqu'elle accuserait Dieu de
partialité. La seule solution rationnelle de ce problème est dans la
préexistence de l'âme et dans la pluralité des existences. L'homme de génie est
un Esprit qui a vécu plus longtemps, qui a, par conséquent, plus acquis et plus
progressé que ceux qui sont moins avancés. En s'incarnant, il apporte ce qu'il
sait, et comme il sait beaucoup plus que les autres, sans avoir besoin d'apprendre,
il est ce qu'on appelle un homme de génie. Mais ce qu'il sait n'en est pas
moins le fruit d'un travail antérieur et non le résultat d'un privilège. Avant
de renaître, il était donc Esprit avancé ; il se réincarne soit pour faire
profiter les autres de ce qu'il sait, soit pour acquérir davantage.
Les hommes progressent incontestablement
par eux-mêmes et par les efforts de leur intelligence ; mais livrés à
leurs propres forces, ce progrès est très lent, s'ils ne sont aidés par des
hommes plus avancés, comme l'écolier l'est par ses professeurs. Tous les
peuples ont eu leurs hommes de génie qui sont venus, à diverses époques, donner
une impulsion et les tirer de leur inertie.
Dès lors qu'on admet la sollicitude de Dieu
pour ses créatures, pourquoi n'admettrait-on pas que des Esprits capables, par
leur énergie et la supériorité de leurs connaissances, de faire avancer
l'humanité, s'incarnent par la volonté de Dieu en vue d'aider au progrès dans
un sens déterminé ; qu'ils reçoivent une mission, comme un ambassadeur en
reçoit une de son souverain ? Tel est le rôle des grands génies. Que
viennent-ils faire, sinon apprendre aux hommes des vérités que ceux-ci
ignorent, et qu'ils eussent ignorées pendant encore de longues périodes, afin
de leur donner un marchepied à l'aide duquel ils pourront s'élever plus
rapidement ? Ces génies qui apparaissent à travers les siècles, comme des
étoiles brillantes, laissant après elles une longue traînée lumineuse sur
l'humanité, sont des missionnaires, ou, si l'on veut, des messies. S'ils
n'apprenaient aux hommes rien autre que ce que savent ces derniers, leur
présence serait complètement inutile ; les choses nouvelles qu'ils leur
enseignent, soit dans l'ordre physique, soit dans l'ordre moral, sont des
révélations.
Si Dieu suscite des révélateurs pour les
vérités scientifiques, il peut, à plus forte raison, en susciter pour les
vérités morales, qui sont un des éléments essentiels du progrès. Tels sont les
philosophes dont les idées ont traversé les siècles.
Dans le sens spécial de la foi religieuse,
les révélateurs sont plus généralement désignés sous les noms de prophètes ou
messies. Toutes les religions ont eu leurs révélateurs, et quoique tous soient
loin d'avoir connu toute la vérité, ils avaient leur raison d'être
providentielle, car ils étaient appropriés au temps et au milieu où ils
vivaient, au génie particulier des peuples auxquels ils parlaient, et auxquels
ils étaient relativement supérieurs. Malgré les erreurs de leurs doctrines, ils
n'en ont pas moins remué les esprits, et par cela même semé des germes de
progrès qui, plus tard, devaient s'épanouir, ou s'épanouiront un jour, au
soleil du christianisme. C'est donc à tort qu'on leur jette l'anathème au nom
de l'orthodoxie, car un jour viendra où toutes ces croyances, si diverses pour
la forme, mais qui reposent en réalité sur un même principe fondamental :
Dieu et l'immortalité de l'âme, se fondront dans une grande et vaste unité,
lorsque la raison aura triomphé des préjugés.
Malheureusement, les religions ont de tous
temps été des instruments de domination ; le rôle de prophète a tenté les
ambitions secondaires, et l'on a vu surgir une multitude de prétendus
révélateurs ou messies qui, à la faveur du prestige de ce nom, ont exploité la
crédulité au profit de leur orgueil, de leur cupidité ou de leur paresse,
trouvant plus commode de vivre aux dépens de leurs dupes. La religion
chrétienne n'a pas été à l'abri de ces parasites. A ce sujet, nous appelons une
attention sérieuse sur le chapitre xxi de l'Evangile selon le Spiritisme :
« Il y aura de faux Christs et de faux prophètes. » Le langage
symbolique de Jésus a singulièrement favorisé les interprétations les plus
contradictoires ; chacun, s'efforçant d'en torturer le sens, a cru y
trouver la sanction de ses vues personnelles, souvent même la justification des
doctrines les plus contraires à l'esprit de charité et de justice qui en est la
base. Là est l'abus qui disparaîtra par la force même des choses, sous l'empire
de la raison. Ce n'est point ce dont nous avons à nous occuper ici. Nous
constatons seulement les deux grandes révélations sur lesquelles s'appuie le
christianisme : celle de Moïse et celle de Jésus, parce qu'elles ont eu
une influence décisive sur l'humanité. L'islamisme peut être considéré comme un
dérivé de conception humaine, du mosaïsme et du christianisme. Pour accréditer
la religion qu'il voulait fonder, Mahomet dut s'appuyer sur une prétendue
révélation divine.
Y a-t-il des révélations directes de Dieu
aux hommes ? C'est une question que nous n'oserions résoudre ni
affirmativement ni négativement d'une manière absolue. La chose n'est point
radicalement impossible, mais rien n'en donne la preuve certaine. Ce qui ne
saurait être douteux, c'est que les Esprits les plus rapprochés de Dieu par la
perfection se pénètrent de sa pensée et peuvent la transmettre. Quant aux
révélateurs incarnés, selon l'ordre hiérarchique auquel ils appartiennent et le
degré de leur savoir personnel, ils peuvent puiser leurs instructions dans
leurs propres connaissances, ou les recevoir d'Esprits plus élevés, voire même
des messagers directs de Dieu. Ceux-ci, parlant au nom de Dieu, ont pu parfois
être pris pour Dieu lui-même.
Ces sortes de communications n'ont rien
d'étrange pour quiconque connaît les phénomènes spirites et la manière dont
s'établissent les rapports entre les incarnés et les désincarnés. Les
instructions peuvent être transmises par divers moyens : par l'inspiration
pure et simple, par l'audition de la parole, par la vue des Esprits
instructeurs dans les visions et apparitions, soit en rêve, soit à l'état de
veille, ainsi qu'on en voit maints exemples dans la Bible, l'Évangile, et dans
les livres sacrés de tous les peuples. Il est donc rigoureusement exact de dire
que la plupart des révélateurs sont des médiums inspirés, auditifs ou
voyants ; d'où il ne suit pas que tous les médiums soient des révélateurs,
et encore moins les intermédiaires directs de la Divinité ou de ses messagers.
Les purs Esprits seuls reçoivent la parole
de Dieu avec mission de la transmettre ; mais on sait maintenant que les
Esprits sont loin d'être tous parfaits, et qu'il en est qui se donnent de
fausses apparences ; c'est ce qui a fait dire à saint Jean :
« Ne croyez point à tout Esprit, mais voyez auparavant si les Esprits sont
de Dieu. » (Ép. 1er, ch. iv, v. 4.)
Il peut donc y avoir des révélations
sérieuses et vraies, comme il y en a d'apocryphes et de mensongères. Le
caractère essentiel de la révélation divine est celui de l'éternelle vérité.
Toute révélation entachée d'erreur ou sujette à changement ne peut émaner de
Dieu, car Dieu ne peut ni tromper sciemment ni se tromper lui-même. C'est ainsi
que la loi du Décalogue a tous les caractères de son origine, tandis que les
autres lois mosaïques, essentiellement transitoires, souvent en contradiction avec
la loi du Sinaï, sont l'œuvre personnelle et politique du législateur hébreu.
Les mœurs du peuple s'adoucissant, ces lois sont d'elles-mêmes tombées en
désuétude, tandis que le Décalogue est resté debout comme le phare de
l'humanité. Christ en a fait la base de son édifice, tandis qu'il a aboli les
autres lois ; si elles eussent été l'œuvre de Dieu, il se serait gardé d'y
toucher. Christ et Moïse sont les deux grands révélateurs qui ont changé la
face du monde, et là est la preuve de leur mission divine. Une œuvre purement
humaine n'aurait pas un tel pouvoir.
Une nouvelle et importante révélation
s'accomplit à l'époque actuelle ; c'est celle qui nous montre la
possibilité de communiquer avec les êtres du monde spirituel. Cette
connaissance n'est point nouvelle, sans doute, mais elle était restée jusqu'à
nos jours en quelque sorte à l'état de lettre morte, c'est-à-dire sans profit
pour l'humanité. L'ignorance des lois qui régissent ces rapports l'avait
étouffée sous la superstition ; l'homme était incapable d'en tirer aucune
déduction salutaire ; il était réservé à notre époque de la débarrasser de
ses accessoires ridicules, d'en comprendre la portée, et d'en faire sortir la
lumière qui devait éclairer la route de l'avenir.
Les Esprits n'étant autres que les âmes des
hommes, en communiquant avec eux nous ne sortons pas de l'humanité,
circonstance capitale à considérer. Les hommes de génie qui ont été les
flambeaux de l'humanité sont donc sortis du monde des Esprits, comme ils y sont
rentrés en quittant la terre. Dès lors que les Esprits peuvent se communiquer
aux hommes, ces mêmes génies peuvent leur donner des instructions sous la forme
spirituelle, comme ils l'ont fait sous la forme corporelle ; ils peuvent
nous instruire après leur mort, comme ils le faisaient de leur vivant ;
ils sont invisibles au lieu d'être visibles, voilà toute la différence. Leur
expérience et leur savoir ne doivent pas être moindres, et si leur parole comme
hommes avait de l'autorité, elle n'en doit pas avoir moins parce qu'ils sont dans
le monde des Esprits.
Mais ce ne sont pas seulement les Esprits
supérieurs qui se manifestent, ce sont aussi les Esprits de tous ordres, et
cela était nécessaire pour nous initier au véritable caractère du monde des
Esprits, en nous le montrant sous toutes ses faces ; par là, les relations
entre le monde visible et le monde invisible sont plus intimes, la connexité
est plus évidente ; nous voyons plus clairement d'où nous venons et où
nous allons ; tel est le but essentiel de ces manifestations. Tous les
Esprits, à quelque degré qu'ils soient parvenus, nous apprennent donc quelque
chose ; mais comme ils sont plus ou moins éclairés, c'est à nous de
discerner ce qu'il y a en eux de bon ou de mauvais, et de tirer le profit que
comporte leur enseignement ; or tous, quels qu'ils soient, peuvent nous
apprendre ou nous révéler des choses que nous ignorons et que sans eux nous ne
saurions pas.
Les grands Esprits incarnés sont des
individualités puissantes, sans contredit, mais dont l'action est restreinte et
nécessairement lente à se propager. Qu'un seul d'entre eux, fût-il même Élie ou
Moïse, soit venu en ces derniers temps révéler aux hommes l'état du monde
spirituel, qui aurait prouvé la vérité de ses assertions, par ce temps de
scepticisme ? Ne l'aurait-on pas regardé comme un rêveur ou un
utopiste ? Et en admettant qu'il fût dans le vrai absolu, des siècles se
fussent écoulés avant que ses idées fussent acceptées par les masses. Dieu,
dans sa sagesse n'a pas voulu qu'il en fût ainsi ; il a voulu que
l'enseignement fût donné par les Esprits eux-mêmes, et non par des incarnés,
afin de convaincre de leur existence, et qu'il eût lieu simultanément par toute
la terre, soit pour le propager plus rapidement, soit pour que l'on trouvât
dans la coïncidence de l'enseignement une preuve de la vérité, chacun ayant
ainsi les moyens de se convaincre par soi-même. Tels sont le but et le
caractère de la révélation moderne.
Les Esprits ne viennent pas affranchir
l'homme du travail, de l'étude et des recherches ; ils ne lui apportent
aucune science toute faite ; sur ce qu'il peut trouver lui-même, ils le
laissent à ses propres forces ; c'est ce que savent parfaitement
aujourd'hui les Spirites. Depuis longtemps l'expérience a démontré l'erreur de
l'opinion qui attribuait aux Esprits tout savoir et toute sagesse, et qu'il
suffisait de s'adresser au premier Esprit venu pour connaître toutes choses.
Sortis de l'humanité, les Esprits en sont une des faces ; comme sur la
terre, il y en a de supérieurs et de vulgaires ; beaucoup en savent donc
scientifiquement et philosophiquement moins que certains hommes ; ils
disent ce qu'ils savent, ni plus ni moins ; comme parmi les hommes, les
plus avancés peuvent nous renseigner sur plus de choses, nous donner des avis
plus judicieux que les arriérés. Demander des conseils aux Esprits, ce n'est
donc point s'adresser à des puissances surnaturelles, mais à ses pareils, à
ceux mêmes à qui on se serait adressé de leur vivant, à ses parents, à ses
amis, ou à des individus plus éclairés que nous. Voilà ce dont il importe de se
persuader et ce qu'ignorent ceux qui, n'avait pas étudié le Spiritisme, se font
une idée complètement fausse sur la nature du monde des Esprits et des
relations d'outre-tombe.
Quelle est donc l'utilité de ces
manifestations, ou si l'on veut de cette révélation, si les Esprits n'en savent
pas plus que nous, ou s'ils ne nous disent pas tout ce qu'ils savent ?
D'abord, comme nous l'avons dit, ils s'abstiennent de nous donner ce que nous
pouvons acquérir par le travail ; en second lieu, il est des choses qu'il
ne leur est pas permis de révéler, parce que notre degré d'avancement ne le
comporte pas. Mais cela à part, les conditions de leur nouvelle existence
étendent le cercle de leurs perceptions ; ils voient ce qu'ils ne voyaient
pas sur la terre ; affranchis des entraves de la matière, délivrés des
soucis de la vie corporelle, ils jugent les choses d'un point plus élevé, et
par cela même plus sainement ; leur perspicacité embrasse un horizon plus
vaste ; ils comprennent leurs erreurs, rectifient leurs idées et se
débarrassent des préjugés humains. C'est en cela que consiste leur supériorité
sur l'humanité corporelle, et que leurs conseils peuvent être, eu égard à leur
degré d'avancement, plus judicieux et plus désintéressés que ceux des incarnés.
Le milieu dans lequel ils se trouvent leur permet en outre de nous initier aux
choses de la vie future que nous ignorons, et que nous ne pouvons apprendre
dans celui où nous sommes. Jusqu'à ce jour l'homme n'avait créé que des
hypothèses sur son avenir ; voilà, pourquoi ses croyances sur ce point ont
été partagées en systèmes si nombreux et si divergents, depuis le néantisme
jusqu'aux fantastiques descriptions de l'enfer et du paradis. Aujourd'hui ce
sont les témoins oculaires, les acteurs mêmes de la vie d'outre-tombe, qui
viennent nous dire ce qu'il en est, et qui seuls pouvaient le faire. Ces
manifestations ont donc servi à nous faire connaître le monde invisible qui
nous entoure, et que nous ne soupçonnions pas ; et cette connaissance
seule serait d'une importance capitale, en supposant que les Esprits fussent
incapables de rien nous apprendre de plus.
Une comparaison vulgaire fera encore mieux
comprendre la situation.
Un navire chargé d'émigrants part pour une
destination lointaine ; il emporte des hommes de toutes conditions, des
parents et des amis de ceux qui restent. On apprend que ce navire a fait
naufrage ; nulle trace n'en est restée, aucune nouvelle n'est parvenue sur
son sort ; on pense que tous les voyageurs ont péri, et le deuil est dans
toutes les familles. Cependant l'équipage tout entier, sans en excepter un seul
homme, a abordé une terre inconnue, terre abondante et fertile, où tous vivent
heureux sous un ciel clément ; mais on l'ignore. Or voilà qu'un jour un
autre navire aborde cette terre ; il y trouve tous les naufragés sains et
saufs. L'heureuse nouvelle se répand avec la rapidité de l'éclair ; chacun
se dit : « Nos amis ne sont donc point perdus ! » Et ils en
rendent grâces à Dieu. Ils ne peuvent se voir, mais ils correspondent ;
ils échangent des témoignages d'affection, et voilà que la joie succède à la
tristesse.
Telle est l'image de la vie terrestre et de
la vie d'outre-tombe, avant et après la révélation moderne ; celle-ci,
semblable au second navire, nous apporte la bonne nouvelle de la survivance de
ceux qui nous sont chers, et la certitude de les rejoindre un jour ; le
doute sur leur sort et sur le nôtre n'existe plus ; le découragement
s'efface devant l'espérance.
Mais d'autres résultats viennent féconder
cette révélation. Dieu, jugeant l'humanité mûre pour pénétrer le mystère de sa
destinée et contempler de sang-froid de nouvelles merveilles, a permis que le
voile qui séparait le monde visible du monde invisible fût levé. Le fait des
manifestations n'a rien d'extrahumain ; c'est l'humanité spirituelle qui
vient causer avec l'humanité corporelle et lui dire :
« Nous existons, donc le néant
n'existe pas ; voilà ce que nous sommes, et voilà ce que vous serez ;
l'avenir est à vous comme il est à nous. Vous marchiez dans les ténèbres, nous
venons éclairer votre route et vous frayer la voie ; vous alliez au
hasard, nous vous montrons le but. La vie terrestre était tout pour vous, parce
que vous ne voyiez rien au delà ; nous venons vous dire, en vous montrant
la vie spirituelle : La vie terrestre n'est rien. Votre vue s'arrêtait à
la tombe, nous vous montrons au delà un horizon splendide. Vous ne saviez pas
pourquoi vous souffrez sur la terre ; maintenant, dans la souffrance, vous
voyez la justice de Dieu ; le bien était sans fruits apparents pour
l'avenir, il aura désormais un but et sera une nécessité ; la fraternité
n'était qu'une belle théorie, elle est maintenant assise sur une loi de la
nature. Sous l'empire de la croyance que tout finit avec la vie, l'immensité
est vide, l'égoïsme règne en maître parmi vous, et votre mot d'ordre est :
« Chacun pour soi » ; avec la certitude de l'avenir, les espaces
infinis se peuplent à l'infini, le vide et la solitude ne sont nulle part, la
solidarité relie tous les êtres par delà et en deçà de la tombe ; c'est le
règne de la charité, avec la devise : « Chacun pour tous et tous pour
chacun. » Enfin, au terme de la vie vous disiez un éternel adieu à ceux
qui vous sont chers, maintenant vous leur direz : « Au revoir ! »
Tels sont, en résumé, les résultats de la
révélation nouvelle ; elle est venue combler le vide creusé par
l'incrédulité, relever les courages abattus par le doute ou la perspective du
néant, et donner à toute chose sa raison d'être. Ce résultat est-il donc sans
importance, parce que les Esprits ne viennent pas résoudre les problèmes de la
science, donner le savoir aux ignorants, et aux paresseux le moyen de
s'enrichir sans peine ? Cependant les fruits que l'homme doit en retirer
ne sont pas seulement pour la vie future ; il les cueillera sur la terre
par la transformation que ces nouvelles croyances doivent nécessairement opérer
sur son caractère, ses goûts, ses tendances et, par suite, sur les habitudes et
les relations sociales. En mettant fin au règne de l'égoïsme, de l'orgueil et
de l'incrédulité, elles préparent celui du bien, qui est le règne de Dieu.
La révélation a donc pour objet de mettre
l'homme en possession de certaines vérités qu'il ne pourrait acquérir par
lui-même, et cela en vue d'activer le progrès. Ces vérités se bornent en
général à des principes fondamentaux destinés à le mettre sur la voie des
recherches, et non à le conduire par la lisière ; ce sont des jalons qui
lui montrent le but : à lui la tâche de les étudier et d'en déduire les
applications ; loin de l'affranchir du travail, ce sont de nouveaux
élément fournis à son activité.