REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1867

Allan Kardec

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Quelques mots à la Revue spirite

Par le journal l'Exposition populaire illustrée.

L'Exposition populaire illustrée contient, dans son trente-quatrième numéro, l'article suivant au sujet des réflexions dont nous avons fait suivre les deux articles de notre dernier numéro sur le curé Gassner et les pronostics, que nous avions empruntés à ce journal :

« La Revue spirite est un journal spécial mensuel qui, depuis dix ans, soutient courageusement la lutte contre la classe nombreuse des écrivains et des hommes superficiels qui traitent, à l'envi les uns des autres, les adeptes de la foi nouvelle « d'illuminés, d'hallucinés, de dupes, de fous, d'imposteurs, de charlatans, et enfin de suppôts de Satan. » Vous voyez que certains écrivains aiment mieux insulter, outrager que discuter.

O mon Dieu ! tout ce vocabulaire fut épuisé il y a trente-cinq à trente-six ans, contre les saint-simoniens, et, si nous ne faisons erreur, l'éloquence du Parquet se mit de la partie, et il nous semble que le pÈre et un de ses ardents disciples furent atteints par une condamnation qui les a laissés libres de diriger de grandes administrations, de siéger à l'Institut, d'être élevés à la dignité de sénateur, de porter en bandoulière les insignes de diverses décorations, la croix d'honneur comprise, mais qui ne leur permet pas seulement de siéger dans le Conseil municipal de leur village, mais encore d'user du droit civique du vote.

Vous voyez bien que l'outrage ne signifie pas grand-chose ; toutefois aussi vous voyez bien toujours qu'il en reste quelque chose ; – c'est une espèce de calomnie ; or, la calomnie, on l'a dit bien longtemps avant nous, quand elle ne brûle pas, noircit.

Revenons aux Spirites ; qui sait ce qui est réservé aux hommes de l'école spirite ? Peut-être les verrons-nous un jour se faire la courte échelle pour arriver aux sommités du pouvoir, ainsi que l'ont fait MM. les saint-simoniens.

Toujours est-il qu'ils progressent (les Spirites), qu'ils grossissent leurs rangs d'hommes graves et intelligents, de magistrats réputés dans leur corps.

Nous parlons aujourd'hui de la Revue spirite, parce que la Revue Spirite a bien voulu s'occuper de nous dans son dernier numéro (celui de novembre)… Elle a reproduit divers passages de notre vingt-quatrième numéro, relatifs à une correspondance sur les thaumaturges, et s'est empressée de protester contre la qualification de thaumaturge que nous avons donnée, dans divers autres articles, au guérisseur Jacob et aux guérisseurs passés, présents et futurs, alors qu'ils guérissent en dehors de la thérapeutique scientifique.

La Revue spirite proteste contre ce mot thaumaturge, par la raison qu'elle n'admet pas que rien se fasse en dehors des lois naturelles... ; mais il me semble que c'est ce que notre petit journal a déjà dit plus de vingt fois.

Il n'y a rien, rien, rien, en dehors des lois naturelles.

Tout ce qui est, tout ce qui advient, tout ce qui se produit, est la résultante de lois naturelles, de phénomènes naturels connus ou inconnus.

Oui, mille fois oui, « les phénomènes qui appartiennent à l'ordre des faits spirituels ne sont pas plus miraculeux que les faits matériels, attendu que l'ÉlÉment spirituel est une des forces de la nature, tout aussi bien que l'ÉlÉment matériel, » dites-vous !

Oui, messieurs, mille fois oui, nous partageons votre sentiment ; mais nous protestons contre cette expression élément, tout comme vous avez protesté contre la qualification de thaumaturge donnée par nous à un Spirite conscient ou inconscient.

Le mot thaumaturge vous choque ; donnez-m'en un autre, rationnel, logique, compréhensible… je l'accepterai.

Par conséquence logique, le mot miracle doit vous choquer ; – donnez-en un autre pour rendre, pour exprimer ce que rend, ce qu'exprime le mot miracle, et je l'adopterai.

Mais tant que votre, que notre dictionnaire ne sera pas fait, ne sera pas connu, il faut bien avoir recours au dictionnaire de l'Académie ; véritablement, messieurs les Spirites, il ne faut pas s'octroyer la prétention d'avoir un autre vocabulaire que MM. les Quarante.

Linguistiquement, académiquement parlant, qu'est-ce qu'un thaumaturge ? un faiseur de miracles.

Qu'est-ce qu'un miracle ? – Un acte de la puissance divine, contraire aux lois connues de la nature.

Donc, MM. les guérisseurs, les Hohenlohe, les Gassner, les Jacob, sont des thaumaturges, des faiseurs de miracles, car ils agissent en dehors des lois connues de la nature.

Inventez, créez, donnez, promulguez un nouveau mot et nous l'adopterons ; mais, jusque-là, permettez-nous de conserver le vieux vocabulaire et de nous y conformer jusqu'à nouvelle instruction, nous ne pouvons faire autrement.

Savez-vous comment agit Jacob ? dites-le ; – si vous ne le savez pas, faites comme nous, reconnaissez qu'il agit en dehors des lois connues de la nature, donc il est thaumaturge.

Pour notre compte, nous protestons, avons-nous dit, contre le mot élément, par une raison très simple, c'est que nous déclarons ignorer complètement quel est et ce qu'est l'élément spirituel, pas plus que nous ne savons ce qu'est l'élément matériel.

En fait d'élément spirituel, nous ne reconnaissons que l'élément créateur : Dieu… – En toute humilité, en toute vénération, nous courbons la tête et respectons l'inexplicable mystère de l'incarnation du souffle de Dieu en nous… nous bornant à répéter ce que nous avons dit : « Il y a en nous un inconnu qui est nous, qui tout à la fois commande à notre moi matière et lui obéit.»

Pour ce qui est de l'élément matériel, nous proclamons de toute la puissance de notre sincérité que nous ne sommes pas moins embarrassés… la création du premier homme, de la première femme, en tant qu'êtres matériels, est un mystère aussi inextricable que celui de la spiritualisation de cet être créé.

Voile de ténèbres, secret du Créateur qu'il n'est pas permis de soulever, de pénétrer.

L'élément primitif est Dieu ou est en Dieu… Ne cherchons pas, et disons avec le plus savant des docteurs de l'Eglise : « Ne cherchez pas à pénétrer ce mystère, vous deviendriez fou. »

Maintenant, nous demanderons à messieurs de la Revue spirite, ceux qui croient à la double vue, à la vue spirituelle, pourquoi ils s'élèvent contre les phénomènes physiques considérés comme des pronostics d'événements heureux ou malheureux.

Ces phénomènes, dites-vous, n'ont en général aucune liaison avec les choses qu'ils semblent présager. Ils peuvent être les précurseurs d'effets physiques qui en sont la conséquence, comme un point noir à l'horizon peut présager au marin la tempête, ou certains nuages annoncer la grêle, mais la signification de ces phénomènes pour les choses de l'ordre moral doit, ajoutez-vous, être rangée parmi les croyances superstitieuses qu'on ne saurait combattre avec trop d'énergie.

Expliquez-vous un peu mieux, messieurs, car vous touchez ici à une des graves questions des sciences cabalistiques, des prévisions prophétiques.

Dites-nous franchement, loyalement, dans quelle catégorie vous classez les influences numériques ; les niez-vous, les contestez-vous, y croyez-vous ?… Avez-vous jamais réfléchi à ces questions ?

Prenez garde ; tout s'enchaîne dans les mystères de la création, dans le secret des corrélations des mondes, des corrélations planétaires. Vous croyez à vous-même, à votre moi spirituel, à votre Esprit incarné, et vous croyez aussi aux Esprits désincarnés : donc aux Esprits qui ont été incarnés et qui, épurés de leur incarnation précédente, attendent une incarnation, nous ne dirons pas plus céleste, plus divine, mais plus angélique… Voilà votre foi ; et puis, vous arrêterez la mathématique divine, et vous dites : Je ne crois pas à cette prescience régulière qui porterait atteinte à mon libre arbitre ; je ne crois pas à ces calculs de détail… Bornez-vous à douter, messieurs ; mais ne niez pas.

Si vous étudiiez l'histoire de l'humanité en prenant pour guide les concordances numériques, vous resteriez écrasés et n'oseriez plus dire qu'on ne saurait combattre cette croyance superstitieuse avec trop d'énergie.

Nous pouvons mettre sous vos yeux plus de quatre mille concordances numériques, historiques, indiscutables. Faites arriver un événement, naître ou mourir un an plutôt ou plus tard, et la concordance cesse… Quelle loi les règle ?… Mystère de Dieu, – secret inconnu de la créature… ; – et comme tout se lie et s'enchaîne, osez, vous qui, en votre qualité de Spirite, devez croire au magnétisme, à la somno-activité, au somnambulisme ; vous qui devez croire à l'agent (et non élément) spirituel, comment pouvez-vous nier les lois inconnues qui régissent les relations des mondes entre eux ?… Vous croyez aux relations des Esprits incarnés avec les Esprits désincarnés ! Soyez donc logiques et ne reculez devant aucune possibilité cachée encore dans les ténèbres de l'inconnu.

Nous reviendrons sur cette question, qui n'est pas neuve, mais qui est toujours demeurée dans les limbes de la science. (Nous nous servons de ce mot avec intention.) »

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