Châtiment de l'égoïste, Médium, madame CostelNota. L'Esprit qui a dicté les trois
communications suivantes, est celui d'une femme que le médium a connue
de son vivant, et dont la conduite et le caractère ne justifient que
trop les tourments qu'elle endure. Elle était surtout dominée par un
sentiment outré d'égoïsme et de personnalité qui se reflète dans la
dernière communication, par sa prétention à vouloir que le médium ne
s'occupe que d'elle, et renonce pour elle à ses études ordinaires.
I
Me voici, moi, la malheureuse Claire ; que veux-tu que je t'apprenne ?
Ta résignation et l'espoir ne sont que des mots pour celui qui sait,
qu'innombrables comme les cailloux de la grève, ses souffrances dureront
pendant la succession des siècles interminables. Je peux les adoucir,
dis-tu ! Quelle vague parole ! Où trouver le courage, l'espérance pour
cela ? Tâche donc, cerveau borné, de comprendre ce qu'est un jour qui ne
finit jamais. Est-ce un jour, une année, un siècle ? qu'en sais-je ?
les heures ne le divisent point ; les saisons ne le varient pas ;
éternel et lent comme l'eau qui suinte du rocher, ce jour exécré, ce
jour maudit, pèse sur moi comme une châsse de plomb… Je souffre !… Je ne
vois rien autour de moi que des ombres silencieuses et indifférentes…
Je souffre !
Je le sais pourtant, au-dessus de cette misère
règne Dieu, le père, le maître, celui vers lequel tout s'achemine. Je
veux y penser ; je veux l'implorer.
Je me débats et je me
traîne comme un estropié qui rampe le long du chemin. Je ne sais quel
pouvoir m'attire vers toi ; peut-être es-tu le salut. Je te quitte un
peu calmée, un peu réchauffée, comme un vieillard grelottant que ranime
un rayon de soleil ; mon âme glacée puise une nouvelle vie en
t'approchant.
Claire.
II
Mon malheur grandit chaque jour ; il grandit à mesure que la
connaissance de l'éternité se développe en moi. O misère ! combien je
vous maudis, heures coupables, heures d'égoïsme et d'oubli, où
méconnaissant toute charité, tout dévouement, je ne songeais qu'à mon
bien-être ! Soyez maudits, arrangements humains ! vaines préoccupations
des intérêts matériels ! Soyez maudits, vous qui m'avez aveuglée et
perdue ! Je suis rongée par l'incessant regret du temps écoulé. Que te
dirai-je, à toi qui m'écoutes ? Veille sans cesse sur toi ; aime les
autres plus que toi-même ; ne t'attarde pas dans les chemins du
bien-être ; n'engraisse pas ton corps aux dépens de ton âme ; veille,
comme disait le Sauveur à ses disciples. Ne me remercie pas de ces
conseils, mon esprit les conçoit, mon cœur ne les a jamais écoutés.
Comme un chien fouaillé, la peur me fait ramper, mais je ne connais pas
encore le libre amour ! Sa divine aurore tarde bien à se lever ! Prie
pour mon âme desséchée et si misérable !
Claire.
III
Nota.
Les deux premières dictées ont été obtenues par le médium chez lui ;
celle-ci a été donnée spontanément à la Société, ce qui explique le sens
de la première phrase.
Je viens te chercher jusqu'ici, puisque
tu m'oublies. Tu crois donc que des prières isolées, mon nom prononcé,
suffiront à l'apaisement de ma peine. Non, cent fois non. Je rugis de
douleur ; j'erre sans repos, sans asile, sans espoir, sentant l'éternel
aiguillon du châtiment s'enfoncer dans mon âme révoltée. Je ris quand
j'entends vos plaintes, quand je vous vois abattus. Que sont vos pâles
misères ! que sont vos larmes ! que sont vos tourments que le sommeil
suspend ? Est-ce que je dors, moi ? je veux, entends-tu ? je veux que
laissant tes dissertations philosophiques, tu t'occupes de moi ; que tu
en fasses occuper les autres. Je ne trouve pas d'expressions pour
peindre l'angoisse de ce temps qui s'écoule, sans que les heures en
marquent les périodes. A peine si je vois un faible rayon d'espérance,
et cette espérance c'est toi qui me l'as donnée ; ne m'abandonne donc
pas.
Claire.
IV
Nota.
La
communication suivante n'est point du même Esprit ; elle est d'un Esprit
supérieur, notre guide spirituel, en réponse à la demande que nous lui
avons faite de vouloir bien nous dire son opinion sur celles qui
précèdent.
Ce tableau n'est que trop vrai, car il n'est
nullement chargé. On me demandera peut-être ce qu'a fait cette femme
pour être si misérable ! A-t-elle commis quelque crime horrible ?
a-t-elle volé, assassiné ? Non ; elle n'a rien fait qui ait mérité la
justice des hommes. Elle s'amusait au contraire de ce que vous appelez
le bonheur terrestre : beauté, fortune, plaisirs, adulations, tout lui
souriait, rien ne lui manquait, et l'on disait en la voyant : Quelle
femme heureuse ! et l'on enviait son sort. Ce qu'elle a fait ? elle a
été égoïste ; elle avait tout, excepté un bon cœur. Si elle n'a pas
violé la loi des hommes, elle a violé la loi de Dieu, car elle a méconnu
la charité, la première des vertus. Elle n'a aimé qu'elle-même :
maintenant elle n'est aimée de personne ; elle n'a rien donné : on ne
lui donne rien ; elle est isolée, délaissée, abandonnée, perdue dans
l'espace où personne ne pense à elle, personne ne s'occupe d'elle, c'est
ce qui fait son supplice. Comme elle n'a recherché que les jouissances
mondaines, et qu'aujourd'hui ces jouissances n'existent plus, le vide
s'est fait autour d'elle ; elle ne voit que le néant, et le néant lui
semble l'éternité. Elle ne souffre pas des tortures physiques ; les
diables ne viennent pas la tourmenter ; mais, cela n'est pas nécessaire :
elle se tourmente elle-même, et elle souffre bien davantage, car ces
diables seraient encore des êtres qui penseraient à elle. L'égoïsme a
fait sa joie sur la terre : il la poursuit ; c'est maintenant le ver qui
lui ronge le cœur : c'est son véritable démon.
Ah ! si les
hommes savaient ce qu'il en coûte d'être égoïste ! Dieu pourtant vous
l'apprend tous les jours, car s'il envoie tant d'Esprits égoïstes sur la
terre, c'est afin que, dès cette vie, ils se punissent les uns par les
autres, et qu'ils comprennent mieux, par le contraste, que la charité
est le seul contrepoison de cette lèpre de l'humanité.