La tristesse et le chagrinPar madame Lesc…, médium
On a tort de céder souvent à la tristesse. Ne vous y trompez pas, le
chagrin est le sentiment ferme et honnête que ressent l'homme atteint
dans son cœur ou dans ses intérêts ; mais la lâche tristesse n'est que
la manifestation physique du sang ralenti ou précipité dans son cours.
La tristesse couvre de son nom bien des égoïsmes, bien des lâchetés.
Elle débilite l'esprit qui s'y abandonne. Au contraire, le chagrin est
le pain des forts ; cette âpre nourriture alimente les facultés de
l'esprit et amoindrit la partie animale. Ne cherchez pas le martyre du
corps, mais soyez avides du martyre de l'âme. Les hommes comprennent
qu'ils doivent remuer leurs jambes et leurs bras pour maintenir la vie
du corps, et ils ne comprennent pas qu'ils doivent souffrir pour exercer
les facultés morales. Le bonheur, ou seulement la joie, sont des hôtes
si passagers de l'humanité, que vous ne pouvez, sans en être écrasés,
porter leur présence, si légère qu'elle soit. Vous êtes faits pour
souffrir et pour rêver sans cesse le bonheur, car vous êtes des oiseaux
sans ailes cloués au sol, qui regardez le ciel et enviez l'espace.
Georges. (Esprit familier.)
Remarque.
Ces deux communications renferment incontestablement de très belles
pensées et des images d'une grande élévation ; mais elles nous semblent
écrites sous l'empire d'idées un peu sombres et quelque peu misanthropes
; on croirait y voir l'expression d'un cœur ulcéré. L'Esprit qui les a
dictées est mort depuis peu d'années ; de son vivant il était l'ami du
médium, dont, après sa mort, il s'est constitué le génie familier.
C'était un artiste peintre de talent, dont la vie avait été calme et
assez insouciante ; mais qui sait s'il en avait été de même dans sa
précédente existence ? Quoi qu'il en soit, toutes ses communications
attestent chez lui beaucoup de profondeur et de sagesse. On pourrait
croire qu'elles sont le reflet du caractère du médium ; madame Lesc… est
sans contredit une femme très sérieuse et au-dessus du vulgaire, à
beaucoup d'égards, et c'est sans aucun doute ce qui, à part sa faculté
médianimique, lui concilie la sympathie des bons Esprits, mais la
communication suivante, obtenue dans la Société, prouve qu'elle peut en
recevoir d'un caractère très varié.