L’ÉVANGILE SELON LE SPIRITISME

Allan Kardec

Retour au menu
INSTRUCTIONS DES ESPRITS

Les derniers seront les premiers


2. L'ouvrier de la dernière heure a droit au salaire, mais il faut que sa bonne volonté l'ait tenu à la disposition du maître qui devait l'employer, et que ce retard ne soit pas le fruit de sa paresse ou de sa mauvaise volonté. Il a droit au salaire, parce que, depuis l'aube, il attendait impatiemment celui qui, enfin, l'appellerait à l'oeuvre ; il était laborieux, l'ouvrage seul lui manquait.

Mais s'il avait refusé l'ouvrage à chaque heure du jour ; s'il avait dit : Prenons patience, le repos m'est doux ; quand la dernière heure sonnera, il sera temps de penser au salaire de la journée. Qu'ai-je besoin de me déranger pour un maître que je ne connais pas, que je n'aime pas ! Le plus tard sera le mieux. Celui-là, mes amis, n'eût pas trouvé le salaire de l'ouvrier, mais celui de la paresse.

Que sera-ce donc de celui qui, au lieu de rester simplement dans l'inaction, aura employé les heures destinées au labeur du jour à commettre des actes coupables ; qui aura blasphémé Dieu, versé le sang de ses frères, jeté le trouble dans les familles, ruiné les hommes confiants, abusé de l'innocence, qui se sera enfin vautré dans toutes les ignominies de l'humanité ; que sera-ce donc de celui-là ? Lui suffira-t-il de dire à la dernière heure : Seigneur, j'ai mal employé mon temps ; prenez-moi jusqu'à la fin du jour, que je fasse un peu, bien peu de ma tâche, et donnez-moi le salaire de l'ouvrier de bonne volonté ? Non, non ; le maître lui dira : Je n'ai point d'ouvrage pour toi quant à présent ; tu as gaspillé ton temps ; tu as oublié ce que tu avais appris, tu ne sais plus travailler à ma vigne. Recommence donc à apprendre, et lorsque tu seras mieux disposé, tu viendras vers moi, je t'ouvrirai mon vaste champ, et tu pourras y travailler à toute heure du jour.

Bons spirites, mes bien-aimés, vous êtes tous des ouvriers de la dernière heure. Bien orgueilleux serait celui qui dirait : J'ai commencé l'oeuvre à l'aurore et ne la terminerai qu'au déclin du jour. Tous vous êtes venus quand vous avez été appelés, un peu plus tôt, un peu plus tard, pour l'incarnation dont vous portez la chaîne ; mais depuis combien de siècles entassés le maître ne vous a-t-il pas appelés à sa vigne sans que vous ayez voulu y entrer ! Vous voilà au moment de toucher le salaire ; employez bien cette heure qui vous reste, et n'oubliez jamais que votre existence, si longue qu'elle vous paraisse, n'est qu'un moment bien fugitif dans l'immensité des temps qui forment pour vous l'éternité. (CONSTANTIN, ESPRIT PROTECTEUR. Bordeaux, 1863.)

3. Jésus affectionnait la simplicité des symboles, et, dans son mâle langage, les ouvriers arrivés à la première heure sont les prophètes, Moïse, et tous les initiateurs qui ont marqué les étapes du progrès, continuées à travers les siècles par les apôtres, les martyrs. les Pères de l'Eglise, les savants, les philosophes, et enfin les spirites. Ceux-ci, venus les derniers, ont été annoncés et prédits dès l'aurore du Messie, et ils recevront la même récompense ; que dis-je ? une plus haute récompense. Derniers venus, les spirites profitent des labeurs intellectuels de leurs devanciers, parce que l'homme doit hériter de l'homme, et que ses travaux et leurs résultats sont collectifs : Dieu bénit la solidarité. Beaucoup d'entre eux revivent d'ailleurs aujourd'hui, ou revivront demain, pour achever l'oeuvre qu'ils ont commencée jadis ; plus d'un patriarche, plus d'un prophète, plus d'un disciple du Christ, plus d'un propagateur de la foi chrétienne se retrouvent parmi eux, mais plus éclairés, plus avancés, travaillant, non plus à la base, mais au couronnement de l'édifice ; leur salaire sera donc proportionné au mérite de l'oeuvre.

La réincarnation, ce beau dogme, éternise et précise la filiation spirituelle. L'Esprit, appelé à rendre compte de son mandat terrestre, comprend la continuité de la tâche interrompue, mais toujours reprise ; il voit, il sent qu'il a saisi au vol la pensée de ses devanciers ; il rentre dans la lice, mûri par l'expérience, pour avancer encore ; et tous, ouvriers de la première et de la dernière heure, les yeux dessillés sur la profonde justice de Dieu, ne murmurent plus et adorent.

Tel est un des vrais sens de cette parabole qui renferme, comme toutes celles que Jésus a adressées au peuple, le germe de l'avenir, et aussi, sous toutes les formes, sous toutes les images, la révélation de cette magnifique unité qui harmonise toutes choses dans l'univers, de cette solidarité qui relie tous les êtres présents au passé et à l'avenir. (HENRI HEINE. Paris, 1863.)


Mission des spirites


4. N'entendez-vous pas déjà fermenter la tempête qui doit emporter le vieux monde et engloutir dans le néant la somme des iniquités terrestres ? Ah ! bénissez le Seigneur, vous qui avez mis votre foi en sa souveraine justice, et qui, nouveaux apôtres de la croyance révélée par les voix prophétiques supérieures, allez prêcher le dogme nouveau de la réincarnation et de l'élévation des Esprits, suivant qu'ils ont bien ou mal accompli leurs missions, et supporté leurs épreuves terrestres.

Ne tremblez plus ! les langues de feu sont sur vos têtes. O vrais adeptes du Spiritisme, vous êtes les élus de Dieu ! Allez et prêchez la parole divine. L'heure est venue où vous devez sacrifier à sa propagation vos habitudes, vos travaux, vos occupations futiles. Allez et prêchez : les Esprits d'en haut sont avec vous. Certes vous parlerez à des gens qui ne voudront point écouter la voix de Dieu, parce que cette voix les rappelle sans cesse à l'abnégation ; vous prêcherez le désintéressement aux avares, l'abstinence aux débauchés, la mansuétude aux tyrans domestiques comme aux despotes : paroles perdues, je le sais ; mais qu'importe ! Il faut arroser de vos sueurs le terrain que vous devez ensemencer, car il ne fructifiera et ne produira que sous les efforts réitérés de la bêche et de la charrue évangéliques Allez et prêchez !

Oui, vous tous, hommes de bonne foi, qui croyez à votre infériorité en regardant les mondes espacés dans l'infini, partez en croisade contre l'injustice et l'iniquité. Allez et renversez ce culte du veau d'or, chaque jour de plus en plus envahissant. Allez, Dieu vous conduit ! Hommes simples et ignorants, vos langues seront déliées, et vous parlerez comme aucun orateur ne parle. Allez et prêchez, et les populations attentives recueilleront avec bonheur vos paroles de consolation, de fraternité, d'espérance et de paix.

Qu'importent les embûches qui seront jetées sur votre chemin ! les loups seuls se prendront aux pièges à loup, car le pasteur saura défendre ses brebis contre les bouchers sacrificateurs.

Allez, hommes grands devant Dieu, qui, plus heureux que saint Thomas, croyez sans demander à voir, et acceptez les faits de la médiumnité quand même vous n'avez jamais réussi à en obtenir vous-mêmes ; allez, l'Esprit de Dieu vous conduit.

Marche donc en avant, phalange imposante par ta foi ! et les gros bataillons des incrédules s'évanouiront devant toi comme les brouillards du matin aux premiers rayons du soleil levant.

La foi est la vertu qui soulèvera les montagnes, vous a dit Jésus ; mais plus lourdes que les plus lourdes montagnes gisent dans le coeur des hommes l'impureté et tous les vices de l'impureté. Partez donc avec courage pour soulever cette montagne d'iniquités que les générations futures ne doivent connaître qu'à l'état de légende, comme vous ne connaissez vous-mêmes que très imparfaitement la période des temps antérieurs à la civilisation païenne.

Oui, les bouleversements moraux et philosophiques vont éclater sur tous les points du globe ; l'heure approche où la lumière divine apparaîtra sur les deux mondes.

Allez donc, et portez la parole divine : aux grands qui la dédaigneront, aux savants qui en demanderont la preuve, aux petits et aux simples qui l'accepteront, car c'est surtout parmi les martyrs du travail, cette expiation terrestre, que vous trouverez la ferveur et la foi. Allez ; ceux-ci recevront avec des cantiques d'actions de grâce et en chantant les louanges de Dieu la consolation sainte que vous leur apporterez, et ils s'inclineront en le remerciant du lot de leurs misères terrestres.

Que votre phalange s'arme donc de résolution et de courage ! A l'oeuvre ! la charrue est prête ; la terre attend ; il faut labourer.

Allez, et remerciez Dieu de la tâche glorieuse qu'il vous a confiée ; mais songez que parmi les appelés au Spiritisme beaucoup se sont fourvoyés ; regardez donc votre route et suivez la voie de la vérité.

D. Si beaucoup d'appelés au Spiritisme se sont fourvoyés, à quel signe reconnaître ceux qui sont dans la bonne voie ? - R. Vous les reconnaîtrez aux principes de véritable charité qu'ils professeront et pratiqueront ; vous les reconnaîtrez au nombre des affligés auxquels ils auront apporté les consolations ; vous les reconnaîtrez à leur amour pour leur prochain, à leur abnégation, à leur désintéressement personnel ; vous les reconnaîtrez enfin au triomphe de leurs principes, car Dieu veut le triomphe de sa loi ; ceux qui suivent sa loi sont ses élus, et il leur donnera la victoire, mais il écrasera ceux qui faussent l'esprit de cette loi et s'en font un marchepied pour satisfaire leur vanité et leur ambition. (ERASTE, ange gardien du médium. Paris, 1863.)


Les ouvriers du Seigneur


5. Vous touchez au temps de l'accomplissement des choses annoncées pour la transformation de l'humanité ; heureux seront ceux qui auront travaillé au champ du Seigneur avec désintéressement et sans autre mobile que la charité ! Leurs journées de travail seront payées au centuple de ce qu'ils auront espéré. Heureux seront ceux qui auront dit à leurs frères : «Frères, travaillons ensemble, et unissons nos efforts afin que le maître trouve l'ouvrage fini à son arrivée,» car le maître leur dira : «Venez à moi, vous qui êtes de bons serviteurs, vous qui avez fait taire vos jalousies et vos discordes pour ne pas laisser l'ouvrage en souffrance !» Mais malheur à ceux qui, par leurs dissensions, auront retardé l'heure de la moisson, car l'orage viendra et ils seront emportés par le tourbillon ! Ils crieront : «Grâce ! grâce !» Mais le Seigneur leur dira : «Pourquoi demandez-vous grâce, vous qui n'avez pas eu pitié de vos frères, et qui avez refusé de leur tendre la main, vous qui avez écrasé le faible au lieu de le soutenir ? Pourquoi demandez-vous grâce, vous qui avez cherché votre récompense dans les joies de la terre et dans la satisfaction de votre orgueil ? Vous l'avez déjà reçue, votre récompense, telle que vous l'avez voulue ; n'en demandez pas davantage : les récompenses célestes sont pour ceux qui n'auront pas demandé les récompenses de la terre.»

Dieu fait en ce moment le dénombrement de ses serviteurs fidèles, et il a marqué de son doigt ceux qui n'ont que l'apparence du dévouement, afin qu'ils n'usurpent pas le salaire des serviteurs courageux, car c'est à ceux qui ne reculeront pas devant leur tâche qu'il va confier les postes les plus difficiles dans la grande oeuvre de la régénération par le spiritisme, et cette parole s'accomplira : «Les premiers seront les derniers, et les derniers seront les premiers dans le royaume des cieux !» (L'ESPRIT DE VERITE. Paris, 1862.)


Articles connexes

Voir articles connexes