Vers 1848, l'attention fut appelée, aux États-Unis d'Amérique, sur
divers phénomènes étranges, consistant en bruits, coups frappés et
mouvements d'objets sans cause connue. Ces phénomènes avaient
souvent lieu spontanément, avec une intensité et une persistance
singulières; mais on remarqua aussi qu'ils se produisaient plus
particulièrement sous l'influence de certaines personnes, que l'on désigna
sous le nom de médiums, et qui pouvaient en quelque sorte les provoquer
à volonté, ce qui permit de répéter les expériences. On se servit surtout
pour cela de tables ; non que cet objet soit plus favorable qu'un autre,
mais uniquement parce qu'il est mobile, plus commode, et qu'on s'assied
plus facilement et plus naturellement autour d'une table qu'autour de tout
autre meuble. On obtint de cette manière la rotation de la table, puis des
mouvements en tous sens, des soubresauts, des renversements, des
soulèvements, des coups frappés avec violence, etc. C'est le phénomène
qui fut désigné, dans le principe, sous le nom de tables tournantes ou
danses des tables.
Jusque-là le phénomène pouvait parfaitement s'expliquer par un
courant électrique ou magnétique, ou par l'action d'un fluide inconnu, et
ce fut même la première opinion que l'on s'en forma. Mais on ne tarda
pas à reconnaître, dans ces phénomènes, des effets intelligents ; ainsi le
mouvement obéissait à la volonté ; la table se dirigeait à droite ou à
gauche vers une personne désignée, se dressait au commandement, sur
un ou deux pieds, frappait le nombre de coups demandés, battait la
mesure, etc. Il demeura dès lors évident que la cause n'était pas purement
physique, et d'après cet axiome que : Si tout effet a une cause, tout effet
intelligent doit avoir une cause intelligente, on conclut que la cause de
ce phénomène devait être une intelligence.
Quelle était la nature de cette intelligence ? Là était la question. La
première pensée fut que ce pouvait être un reflet de l'intelligence du
médium ou des assistants, mais l'expérience en démontra bientôt
l'impossibilité, parce qu'on obtint des choses complètement en dehors de
la pensée et des connaissances des personnes présentes, et même en
contradiction avec leurs idées, leur volonté et leur désir ; elle ne pouvait
donc appartenir qu'à un être invisible. Le moyen de s'en assurer était fort
simple : il s'agissait d'entrer en conversation avec cet être, ce que l'on fit
au moyen d'un nombre de coups de convention signifiant oui ou non, ou
désignant les lettres de l'alphabet, et l'on eut, de cette manière, des
réponses aux diverses questions qu'on lui adressait. C'est le phénomène
qui fut désigné sous le nom de tables parlantes. Tous les êtres qui se
communiquèrent de cette façon, interrogés sur leur nature, déclarèrent
être Esprits et appartenir au monde invisible. Les mêmes effets s'étant
produits dans un grand nombre de localités, par l'entremise de personnes
différentes, et étant d'ailleurs observés par des hommes très sérieux et
très éclairés, ce n'était pas possible qu'on fût le jouet d'une illusion.
De l'Amérique ce phénomène passe en France et dans le reste de
l'Europe où, pendant quelques années, les tables tournantes et parlantes
furent à la mode, et devinrent l'amusement des salons ; puis, quand on en
eut assez, on les laissa de côté pour passer à une autre distraction.
Le phénomène ne tarda pas à se présenter sous un nouvel aspect, qui le
fit sortir du domaine de la simple curiosité. Les bornes de cet abrégé ne
nous permettant pas de le suivre dans toutes ses phases, nous passons,
sans autre transition, à ce qu'il offre de plus caractéristique, à ce qui fixa
surtout l'attention des gens sérieux.
Disons préalablement, en passant, que la réalité du phénomène
rencontra de nombreux contradicteurs ; les uns, sans tenir compte du
désintéressement et de l'honorabilité des expérimentateurs, n'y virent
qu'une jonglerie, un habile tour d'escamotage. Ceux qui n'admettent rien
en dehors de la matière, qui ne croient qu'au monde visible, qui pensent
que tout meurt avec le corps, les matérialistes, en un mot : ceux qui se
qualifient d'esprits forts, rejetèrent l'existence des Esprits invisibles au
rang des fables absurdes ; ils taxèrent de folie ceux qui prenaient la
chose au sérieux, et les accablèrent de sarcasmes et de railleries.
D'autres, ne pouvant nier les faits, et sous l'empire d'un certain ordre
d'idées, attribuèrent ces phénomènes à l'influence exclusive du diable, et
cherchèrent, par ce moyen, à effrayer les timides. Mais aujourd'hui la
peur du diable a singulièrement perdu de son prestige ; on en a tant
parlé, on l'a peint de tant de façons, qu'on s'est familiarisé avec cette
idée, et que beaucoup se sont dit qu'il fallait profiter de l'occasion pour
voir ce qu'il est réellement. Il en est résulté, qu'à part un petit nombre de
femmes timorées, l'annonce de l'arrivée du vrai diable avait quelque
chose de piquant pour ceux qui ne l'avaient vu qu'en peinture ou au
théâtre ; elle a été pour beaucoup de gens un puissant stimulant : de sorte
que ceux qui ont voulu, par ce moyen, opposer une barrière aux idées
nouvelles, ont été contre leur but, et sont devenus, sans le vouloir, des
agents propagateurs d'autant plus efficaces qu'ils ont crié plus fort. Les
autres critiques n'ont pas eu plus de succès, parce que, à des faits
constatés, à des raisonnements catégoriques, ils n'ont pu opposer que des
dénégations. Lisez ce qu'ils ont publié, partout vous trouverez la preuve
de l'ignorance et de l'inobservation sérieuse des faits, et nulle part une
démonstration péremptoire de leur impossibilité; toute leur
argumentation se résume ainsi : « Je ne crois pas, donc cela n'est pas ;
tous ceux qui croient sont des fous ; nous seuls avons le privilège de la
raison et du bon sens. » Le nombre des adeptes faits par la critique
sérieuse ou bouffonne est incalculable, parce que partout on n'y trouve
que des opinions personnelles, vides de preuves contraires. Poursuivons
notre exposé.
Les communications par coups frappés étaient lentes et incomplètes ;
on reconnut qu'en adaptant un crayon à un objet mobile : corbeille,
planchette ou autre sur lequel on posait les doigts, cet objet se mettait en
mouvement et traçait des caractères. Plus tard on reconnut que ces objets
n'étaient que des accessoires dont on pouvait se passer ; l'expérience
démontra que l'Esprit, agissant sur un corps inerte pour le diriger à
volonté, pouvait agir de même sur le bras ou la main pour conduire le
crayon. On eut alors des médiums écrivains, c'est-à-dire des personnes
écrivant d'une manière involontaire sous l'impulsion des Esprits, dont
elles se trouvaient être ainsi les instruments et les interprètes. Dès ce
moment, les communications n'eurent plus de limites, et l'échange des
pensées put se faire avec autant de rapidité et de développement qu'entre
vivants. C'était un vaste champ ouvert à l'exploration, la découverte d'un
monde nouveau : le monde des invisibles, comme le microscope avait
fait découvrir le monde des infiniment petits.
Que sont ces Esprits ? Quel rôle jouent-ils dans l'univers ? Dans quel
but se communiquent-ils aux mortels? Telles sont les premières
questions qu'il s'agissait de résoudre. On sut bientôt, par eux-mêmes, que
ce ne sont point des êtres à part dans la création, mais les propres âmes
de ceux qui ont vécu sur la terre ou dans d'autres mondes ; que ces âmes,
après avoir dépouillé leur enveloppe corporelle, peuplent et parcourent
l'espace. Il ne fut plus permis d'en douter quand on reconnut dans le
nombre ses parents et ses amis, avec lesquels on put s'entretenir ; quand
ceux-ci vinrent donner la preuve de leur existence, démontrer qu'il n'y a
de mort en eux que le corps, que leur âme ou Esprit vit toujours, qu'ils
sont là, près de nous, nous voyant et nous observant comme de leur
vivant, entourant de leur sollicitude ceux qu'ils ont aimés, et dont le
souvenir est pour eux une douce satisfaction.
On se fait généralement des Esprits une idée complètement fausse ; ce
ne sont pas, comme beaucoup se les figurent, des êtres abstraits, vagues
et indéfinis, ni quelque chose comme une lueur ou une étincelle ; ce
sont, au contraire, des êtres très réels, ayant leur individualité et une
forme déterminée. On peut s'en faire une idée approximative par
l'explication suivante :
Il y a en l'homme trois choses essentielles: 1°l'âme ou Esprit,
principe intelligent en qui résident la pensée, la volonté et le sens moral ;
2° le corps, enveloppe matérielle, lourde et grossière, qui met l'Esprit en
rapport avec le monde extérieur ; 3° le périsprit, enveloppe fluidique,
légère, servant de lien et d'intermédiaire entre l'Esprit et le corps.
Lorsque l'enveloppe extérieure est usée et ne peut plus fonctionner, elle
tombe et l'Esprit s'en dépouille comme le fruit de sa coque, l'arbre de son
écorce : en un mot comme on quitte un vieil habit hors de service ; c'est
ce qu'on appelle la mort.
La mort n'est donc autre chose que la destruction de la grossière
enveloppe de l'Esprit : le corps seul meurt, l'Esprit ne meurt pas. Pendant
la vie l'Esprit est en quelque sorte comprimé par les liens de la matière à
laquelle il est uni, et qui souvent paralyse ses facultés ; la mort du corps
le débarrasse de ses liens ; il s'en dégage et recouvre sa liberté, comme le
papillon en sortant de sa chrysalide ; mais il ne quitte que le corps
matériel ; il conserve le périsprit qui constitue pour lui une sorte de corps
éthéré, vaporeux, impondérable pour nous et de forme humaine, qui
paraît être la forme type. Dans son état normal, le périsprit est invisible,
mais l'Esprit peut lui faire subir certaines modifications qui le rendent
momentanément accessible à la vue et même au toucher, comme cela a
lieu pour la vapeur condensée ; c'est ainsi qu'ils peuvent quelquefois se
montrer à nous dans des apparitions. C'est à l'aide du périsprit que
l'Esprit agit sur la matière inerte, et produit les divers phénomènes de
bruit, de mouvement, d'écriture, etc.
Les coups et les mouvements sont, pour les Esprits, des moyens
d'attester leur présence et d'appeler sur eux l'attention, absolument
comme lorsqu'une personne frappe pour avertir qu'il y a quelqu'un. Il en
est qui ne se bornent pas à des bruits modérés, mais qui vont jusqu'à
faire un vacarme pareil à celui de la vaisselle qui se brise, de portes qui
s'ouvrent et se ferment, ou de meubles que l'on renverse.
A l'aide des coups et des mouvements de convention, ils ont pu
exprimer leurs pensées, mais l'écriture leur offre le moyen complet, le
plus rapide et le plus commode ; aussi est-ce celui qu'ils préfèrent. Par la
même raison qu'ils peuvent faire former des caractères, ils peuvent
guider la main pour faire tracer des dessins, écrire de la musique,
exécuter un morceau sur un instrument, en un mot, à défaut de leur
propre corps, qu'ils n'ont plus, ils se servent de celui du médium pour se
manifester aux hommes d'une manière sensible.
Des Esprits peuvent encore se manifester de plusieurs manières, entre
autres par la vue et par l'audition. Certaines personnes, dites médiums
auditifs, ont la faculté de les entendre, et peuvent ainsi converser avec
eux ; d'autres les voient : ce sont les médiums voyants. Les Esprits qui se
manifestent à la vue se présentent généralement sous une forme
analogue à celle qu'ils avaient de leur vivant, mais vaporeuse ; d'autres
fois, cette forme a toutes les apparences d'un être vivant, au point de
faire complètement illusion, et qu'on les a quelquefois pris pour des
personnes en chair et en os, avec lesquelles on a pu parler et échanger
des poignées de mains, sans se douter qu'on avait affaire à des Esprits,
autrement que par leur disparition subite.
La vue permanente et générale des Esprits est fort rare, mais les
apparitions individuelles sont assez fréquentes, surtout au moment de la
mort ; l'Esprit dégagé semble se hâter d'aller revoir ses parents et ses
amis, comme pour les avertir qu'il vient de quitter la terre et leur dire
qu'il vit toujours.
Que chacun recueille ses souvenirs, et l'on verra combien de faits
authentiques de ce genre, dont on ne se rendait pas compte, ont eu lieu
non seulement la nuit, pendant le sommeil, mais en plein jour et à l'état
de veille le plus complet. Jadis on regardait ces faits comme surnaturels
et merveilleux, et on les attribuait à la magie et à la sorcellerie ;
aujourd'hui les incrédules les mettent sur le compte de l'imagination ;
mais depuis que la science spirite en a donné la clef, on sait comment ils
se produisent, et qu'ils ne sortent pas de l'ordre des phénomènes naturels.
On croit encore que les Esprits, par cela seul qu'ils sont Esprits,
doivent avoir la souveraine science et la souveraine sagesse : c'est une
erreur que l'expérience n'a pas tardé à démontrer. Parmi les
communications données par les Esprits, il y en a qui sont sublimes de
profondeur, d'éloquence, de sagesse, de morale, et ne respirent que la
bonté et la bienveillance ; mais, à côté de cela, il y en a de très vulgaires,
de légères, de triviales, de grossières même, et par lesquelles l'Esprit
révèle les instincts les plus pervers. Il est donc évident qu'elles ne
peuvent émaner de la même source, et que, s'il y a de bons Esprits, il y
en a aussi de mauvais. Les Esprits n'étant pas autre chose que les âmes
des hommes, ils ne peuvent naturellement pas devenir parfaits en
quittant leur corps ; jusqu'à ce qu'ils aient progressé, ils conservent les
imperfections de la vie corporelle ; c'est pourquoi on en voit de tous les
degrés de bonté et de méchanceté, de savoir et d'ignorance.
Les Esprits se communiquent généralement avec plaisir, et c'est pour
eux une satisfaction de voir qu'on ne les a pas oubliés ; ils décrivent
volontiers leurs impressions en quittant la terre, leur nouvelle situation,
la nature de leurs joies et de leurs souffrances dans le monde où ils se
trouvent ; les uns sont très heureux, d'autres malheureux, quelques-uns
même endurent d'horribles tourments, selon la manière dont ils ont vécu,
et l'emploi bon ou mauvais, utile ou inutile, qu'ils ont fait de la vie. En
les observant dans toutes les phases de leur nouvelle existence, selon la
position qu'ils ont occupée sur la terre, leur genre de mort, leur caractère
et leurs habitudes comme hommes, on arrive à une connaissance sinon
complète, du moins assez précise du monde invisible pour se rendre
compte de notre état futur, et pressentir le sort heureux ou malheureux
qui nous y attend.
Les instructions données par les Esprits d'un ordre élevé sur tous les
sujets qui intéressent l'humanité, les réponses qu'ils ont faites aux
questions qui leur ont été proposées, ayant été recueillies et coordonnées
avec soin, constituent toute une science, toute une doctrine morale et
philosophique sous le nom de Spiritisme. Le spiritisme est donc la
doctrine fondée sur l'existence, les manifestations et l'enseignement des
Esprits. Cette doctrine se trouve exposée d'une manière complète dans le
Livre des Esprits pour la partie philosophique, dans le Livre des
Médiums pour la partie pratique et expérimentale, et dans l'Évangile
selon le Spiritisme pour la partie morale. On peut juger, par l'analyse que
nous donnons ci-après de ces ouvrages, de la variété, de l'étendue et de
l'importance des matières qu'elle embrasse.
Ainsi qu'on l'a vu, le Spiritisme a eu son point de départ dans le
phénomène vulgaire des tables tournantes ; mais comme ces faits parlent
plus aux yeux qu'à l'intelligence, qu'ils éveillent plus de curiosité que de
sentiment, la curiosité satisfaite, on s'y est d'autant moins intéressé qu'on
ne les comprenait pas. Il n'en a plus été de même quand la théorie est
venue en expliquer la cause ; quand surtout on a vu que de ces tables
tournantes, dont on s'était un instant amusé, sortait toute une doctrine
morale parlant à l'âme, dissipant les angoisses du doute, satisfaisant à
toutes les aspirations laissées dans le vague par un enseignement
incomplet sur l'avenir de l'humanité, les gens sérieux ont accueilli la
nouvelle doctrine comme un bienfait, et dès lors, loin de décliner, elle a
grandi avec une incroyable rapidité ; dans l'espace de quelques années,
elle a rallié dans tous les pays du monde, et surtout parmi les gens
éclairés, d'innombrables partisans qui s'augmentent tous les jours dans
une proportion extraordinaire, de telle sorte qu'on peut dire aujourd'hui
que le Spiritisme a conquis droit de cité ; il est assis sur des bases qui
défient les efforts de ses adversaires plus ou moins intéressés à le
combattre et la preuve en est que les attaques et critiques n'ont pas
ralenti sa marche un seul instant : ceci est un fait acquis à l'expérience, et
dont les opposants n'ont jamais pu rendre raison ; les Spirites disent tout
simplement que s'il se propage malgré la critique, c'est qu'on le trouve
bon et qu'on préfère son raisonnement à celui de ses contradicteurs.
Le Spiritisme, pourtant, n'est point une découverte moderne ; les faits
et les principes sur lesquels il repose se perdent dans la nuit des temps,
car on en trouve les traces dans les croyances de tous les peuples, dans
toutes les religions, dans la plupart des textes des écrivains sacrés et
profanes ; seulement les faits, incomplètement observés, ont souvent été
interprétés selon les idées superstitieuses de l'ignorance, et l'on n'en avait
pas déduit toutes les conséquences.
En effet, le Spiritisme est fondé sur l'existence des Esprits, mais les
Esprits n'étant autres que les âmes des hommes, depuis qu'il y a des
hommes il y a des Esprits ; le Spiritisme ne les a ni découverts, ni
inventés. Si les âmes ou Esprits peuvent se manifester aux vivants c'est
que cela est dans la nature, et dès lors ils ont dû le faire de tout temps ;
aussi de tout temps et partout trouve-t-on la preuve de ces
manifestations, qui abondent surtout dans les récits bibliques.
Ce qui est moderne, c'est l'explication logique des faits, la
connaissance plus complète de la nature des Esprits de leur rôle et de
leur mode d'action, la révélation de notre état futur, enfin sa constitution
en corps de science et de doctrine et ses diverses applications. Les
Anciens connaissaient le principe, les Modernes connaissent les détails.
Dans l'antiquité, l'étude de ces phénomènes était le privilège de certaines
castes qui ne les révélaient qu'aux initiés à leurs mystères ; dans le
moyen âge, ceux qui s'en occupaient ostensiblement étaient regardés
comme sorciers et on les brûlait ; mais aujourd'hui il n'y a de mystères
pour personne, on ne brûle plus personne ; tout se passe au grand jour, et
tout le monde est à même de s'éclairer et de pratiquer, car les médiums se
trouvent partout.
La doctrine même qu'enseignent les esprits aujourd'hui n'a rien de
nouveau ; on la trouve par fragments chez la plupart des philosophes de
l'Inde, de l'Egypte et de la Grèce, et tout entière dans l'enseignement du
Christ. Que vient donc faire alors le Spiritisme ? Il vient confirmer de
nouveaux témoignages, démontrer par des faits, des vérités méconnues
ou mal comprises, rétablir dans leur véritable sens celles qui ont été mal
interprétées.
Le Spiritisme n'apprend rien de nouveau, c'est vrai ; mais n'est-ce rien
que de prouver d'une manière patente, irrécusable, l'existence de l'âme,
sa survivance au corps, son individualité après la mort, son immortalité,
les peines et les récompenses futures ? Que de gens croient à ces choses,
mais y croient avec une vague arrière-pensée d'incertitude, et se disent
dans leur for intérieur : « Si pourtant cela n'était pas ! » Combien ont été
conduits à l'incrédulité parce qu'on leur a présenté l'avenir sous un aspect
que leur raison ne pouvait admettre ! N'est-ce donc rien pour le croyant
chancelant de pouvoir se dire : « Maintenant je suis sûr ! » pour l'aveugle
de revoir la lumière ? Par les faits et par sa logique, le Spiritisme vient
dissiper l'anxiété du doute, et ramener à la foi celui qui s'en était écarté ;
en nous révélant l'existence du monde invisible qui nous entoure, et au
milieu duquel nous vivons sans nous en douter, il nous fait connaître, par
l'exemple de ceux qui ont vécu, les conditions de notre bonheur ou de
notre malheur à venir ; il nous explique la cause de nos souffrances ici-
bas et le moyen de les adoucir. Sa propagation aura pour effet inévitable
la destruction des doctrines matérialistes qui ne peuvent résister à
l'évidence. L'homme, convaincu de la grandeur et de l'importance de son
existence future qui est éternelle, la compare à l'incertitude de la vie
terrestre, qui est si courte, et s'élève, par la pensée, au-dessus des
mesquines considérations humaines ; connaissant la cause et le but de
ses misères, il les supporte avec patience et résignation, parce qu'il sait
qu'elles sont un moyen d'arriver à un état meilleur. L'exemple de ceux
qui viennent d'outre-tombe décrire leurs joies et leurs douleurs, en
prouvant la réalité de la vie future, prouve en même temps que la justice
de Dieu ne laisse aucun vice sans punition ni aucune vertu sans
récompense. Ajoutons enfin que les communications avec les êtres
chéris que l'on a perdus procurent une douce consolation en prouvant
non seulement qu'ils existent, mais qu'on en est moins séparé que s'ils
étaient vivants et dans un pays étranger.
En résumé, le Spiritisme adoucit l'amertume des chagrins de la vie ; il
calme les désespoirs et les agitations de l'âme, dissipe les incertitudes ou
les terreurs de l'avenir, arrête la pensée d'abréger la vie par le suicide ;
par cela même, il rend heureux ceux qui s'en pénètrent, et c'est là le
grand secret de sa rapide propagation.
Au point de vue religieux, le Spiritisme a pour base les vérités
fondamentales de toutes les religions : Dieu, l'âme, l'immortalité, les
peines et les récompenses futures ; mais il est indépendant de tout culte
particulier. Son but est de prouver à ceux qui nient ou qui doutent que
l'âme existe, qu'elle survit au corps ; qu'elle subit après la mort les
conséquences du bien et du mal qu'elle a faits pendant la vie corporelle,
or, ceci est de toutes les religions.
Comme croyance aux esprits, il est également de toutes les religions,
de même qu'il est de tous les peuples puisque, partout où il y a des
hommes, il y a des âmes ou esprits ; que les manifestations sont de tous
les temps, et que le récit s'en trouve dans toutes les religions sans
exception. On peut donc être catholique, grec ou romain, protestant, juif
ou musulman, et croire aux manifestations des Esprits, et par conséquent
être Spirite ; la preuve, c'est que le Spiritisme a des adhérents dans toutes
les sectes.
Comme morale, il est essentiellement chrétien, parce que celle qu'il
enseigne n'est que le développement et l'application de celle du Christ, la
plus pure de toutes, et dont la supériorité n'est contestée par personne,
preuve évidente qu'elle est la loi de Dieu ; or, la morale est à l'usage de
tout le monde.
Le Spiritisme étant indépendant de toute forme de culte, n'en
prescrivant aucun, et ne s'occupant pas des dogmes particuliers, n'est pas
une religion spéciale, car il n'a ni ses prêtres, ni ses temples. A ceux qui
lui demandent s'ils font bien de suivre telle ou telle pratique, il répond :
Si vous croyez votre conscience engagée à le faire, faites-le : Dieu tient
toujours compte de l'intention. En un mot, il ne s'impose à personne ; il
ne s'adresse pas à ceux qui ont la foi, et à qui cette foi suffit, mais à la
nombreuse catégorie des incertains et des incrédules ; il ne les enlève pas
à l'Eglise, puisqu'ils s'en sont séparés moralement en tout ou en partie : il
leur fait faire les trois quarts du chemin pour y entrer ; c'est à elle de
faire le reste.
Le Spiritisme combat, il est vrai, certaines croyances telles que
l'éternité des peines, le feu matériel de l'enfer, la personnalité du diable,
etc. ; mais n'est-il pas certain que ces croyances, imposées comme
absolues, ont de tout temps fait des incrédules et en font tous les jours ?
Si le Spiritisme, en donnant de ces dogmes et de quelques autres une
interprétation rationnelle, ramène à la foi ceux qui la désertent, ne rend-il
pas service à la religion ? Aussi un vénérable ecclésiastique disait-il à ce
sujet : « Le Spiritisme fait croire à quelque chose ; or, il vaut mieux
croire à quelque chose que de ne rien croire du tout. »
Les Esprits n'étant autres que les âmes, on ne peut nier les Esprits sans
nier l'âme. Les âmes ou Esprits étant admis, la question réduite à sa plus
simple expression est celle-ci : Les âmes de ceux qui sont morts peuvent-
elles se communiquer aux vivants ? Le Spiritisme prouve l'affirmative
par les faits matériels ; quelle preuve peut-on donner que cela n'est pas
possible ? Si cela est, toutes les négations du monde n'empêcheront pas
que cela soit, car ce n'est ni un système, ni une théorie, mais une loi de la
nature ; or, contre les lois de la nature la volonté de l'homme est
impuissante ; il faut bon gré mal gré en accepter les conséquences, et y
conformer ses croyances et ses habitudes.