REVUE SPIRITE JOURNAL D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES - 1868

Allan Kardec

Retour au menu
Bibliographie

Le Régiment fantastique par Victor Dazur[1]

Nous empruntons les passages suivants au compte rendu que le Siècle a donné de cet ouvrage dans son feuilleton du 22 juin 1868 :

« C'est une sorte de roman philosophique, où la plupart des questions qui passionnent actuellement les esprits sont traitées sous une forme originale et dramatique ; le spiritualisme et le matérialisme, l'immortalité de l'âme et le néant, le libre arbitre et le fatalisme, la responsabilité et l'irresponsabilité, les peines éternelles et l'expiation, puis la guerre, la paix universelle, les armées permanentes, etc.

Toutes ces questions ne sont pas discutées avec beaucoup de méthode et de profondeur, mais elles le sont toutes avec une certaine érudition, avec une bonne foi évidente, avec gaieté presque toujours, avec esprit souvent, et quelquefois avec éloquence.

En somme, l'ouvrage est d'un homme libéral, ami du progrès, de la perfectibilité et du spiritualisme, ami de la paix, quoique évidemment militaire.

Voici, du reste, comment l'auteur parle de lui-même :

L'auteur, qui s'est donné dans ce livre le nom de François Pamphile, avait l'insigne honneur d'être caporal dans l'armée française, lorsqu'il fit le songe étrange qui forme le canevas de l'ouvrage que vous allez lire, si vous n'avez rien de mieux à faire. Plus tard notre militaire écrivit son rêve, et ensuite s'amusa à l'embellir quand il en avait le temps. »

Le Régiment fantastique, de Victor Dazur, est donc un rêve comme le Paris en Amérique, de M. Laboulaye, mais c'est un rêve qui vous transporte dans un monde tout imaginaire.

Le caporal François Pamphile rentre à sa caserne, après avoir pris, avec quelques camarades, sa part des réjouissances d'une fête publique à Paris. Rassasié de bruit, de musique, de spectacles en plein vent, d'illuminations, de feux d'artifice, l'estomac bien lesté et la conscience tranquille, n'ayant eu de querelle avec personne, n'ayant frappé de son sabre aucun civil, il s'endort d'un profond sommeil. Au bout d'un temps qu'il ne peut apprécier, il lui semble que son lit est enlevé comme s'il était suspendu à un ballon en guise de nacelle.

Il ouvre les yeux et se voit dans l'espace ; un panorama mobile s'étend au-dessous de lui ; il voit disparaître Paris, puis la campagne, puis la terre. Il lui semble faire un des voyages aérostatiques de notre collaborateur Flammarion dont il se déclare un lecteur assidu, et dont il loue avec enthousiasme le beau livre spiritualiste qui a pour titre la Pluralité des Mondes habités.

Tout à coup l'air lui manque ; il suffoque ; mais il entre dans une autre atmosphère ; sa respiration reprend ; il aperçoit un autre globe que ses études astronomiques lui font reconnaître pour la planète Mars. Il se sent attiré vers cette planète dont le globe grossit rapidement à ses yeux. Il tremble, en y tombant selon les lois de la pesanteur, d'y être écrasé ; il redoute un choc terrible ; mais non ! Le voici étendu sur un épais gazon, aux pieds d'arbres merveilleux remplis d'oiseaux non moins merveilleux.

Il se croit dans un monde nouveau, passé du grade de caporal au grade de premier homme. Il appelle une Ève. C'est la chanson du Roi Dagobert qui lui répond.

L'étonnement du bon caporal redouble en voyant que le chanteur est un grand gaillard revêtu de l'uniforme de sergent-major de l'infanterie de ligne française.

- Qui êtes-vous ? lui dit ce sergent, qui a l'air aussi surpris que lui.

- Major, répond François Pamphile, je suis caporal ; je viens de la planète Terre que j'ai quittée involontairement cette nuit ; et je voudrais que vous eussiez l'obligeance de me dire le nom de la planète où je suis tombé.

- Cette planète, c'est Soraï-Kanor, parbleu !

- Soraï-Kanor ?… Je supposais que c'était la planète Mars. Il paraît que je me suis trompé.

- Vous ne vous êtes point trompé. Seulement notre planète, que les terriens nomment Mars, est nommée par nos astronomes Soraï-Kanor.

Le caporal s'étonne que le sergent sache le nom donné par les habitants de la terre à sa planète. Mais le sergent lui apprend qu'il n'a quitté la terre qu'après sa mort terrestre, et qu'il y était roi de France.

A cette réponse inattendue, le caporal se découvre, c'est-à-dire ôte le bonnet de coton qu'il a sur la tête.

Le roi sergent-major lui dit de ne pas lui rendre tant d'honneurs, puisqu'il n'est plus qu'un simple sous-officier. Sur terre, il s'appelait François Ier ; sur Mars, il appartient au régiment fantastique, un régiment composé de la plupart des souverains qui ont régné sur le globe terrestre. Le colonel est Alexandre le Grand ; le lieutenant-colonel Jules César (qui n'a pas régné, à proprement parler), et le major Périclès (qui a moins régné encore). Le régiment compte trois bataillons, et chaque bataillon huit compagnies. Le commandant du premier bataillon est Sésostris et l'adjudant major Attila ; le commandant du deuxième bataillon, Charlemagne et l'adjudant major Charles-Quint ; le commandant du troisième bataillon, Annibal ; et l'adjudant major Mithridate.

Chaque compagnie est composée des souverains d'une même nation. La compagnie française est la première du deuxième bataillon et a pour capitaine Louis XIV, ce qui prouve, par parenthèse, que la faveur domine sur Mars comme sur la terre ; car François Ier, qui n'est que sergent-major, était assurément un plus grand capitaine que Louis XIV, et il avait de plus pour lui l'ancienneté.

Les cantinières du régiment fantastique sont Sémiramis, Cléopâtre, Élisabeth, Catherine II. De même que tous les officiers et les soldats du régiment sont d'anciens souverains ou des hommes ayant exercé la souveraineté, toutes les cantinières et les servantes de cantine sont d'anciennes souveraines. Les musiciens seuls sont d'anciens compositeurs : Beethoven, Mozart, Glück, Piccini, Haydn, Bellini. Le régiment n'a adopté l'uniforme français que depuis le règne de Napoléon Ier, dont les campagnes ont enthousiasmé Alexandre le Grand. Depuis, le régiment a suivi toutes les variations de notre costume militaire, ce qui n'est pas peu dire. C'est aussi depuis le règne de Napoléon Ier que la langue française est adoptée comme la langue réglementaire du régiment. Ce n'est pourtant pas sous l'empire que la langue française a le plus brillé. Du reste, le vainqueur d'Austerlitz n'est pas au nombre des militaires du régiment fantastique. Il n'est point sur Mars ; peut-être est-il dans un monde supérieur, peut-être dans un monde inférieur : François Ier l'ignore.

D'autres souverains n'ont jamais figuré dans le régiment fantastique ; d'autres l'ont quitté après plusieurs siècles de service ; quelques-uns, après plusieurs milliers de siècles. Le régiment ne change jamais de garnison, et ne fait jamais la guerre. C'est une sorte de régiment pénitentiaire où les souverains, hommes et femmes, ne sont placés que pour expier les forfaits qu'ils ont commis pendant leurs règnes.

A la bonne heure, mais les musiciens Beethoven, Mozart et les autres, quels forfaits ont-ils commis pour être retenus dans ce régiment expiatoire ? C'est ce que l'auteur néglige de nous apprendre.

Le supplice habituel des militaires et des cantinières du régiment, c'est le supplice de Tantale. Les guerriers qui, sur la terre, se plaisaient dans le sang et dans le carnage, ont gardé leurs belliqueux instincts que le son du clairon réveille sans cesse et que les exercices et les simulacres de combat surexcitent sans qu'il leur soit jamais possible de se satisfaire ; car la puissance divine, qui, sur la terre, permet la guerre, l'interdit sur Mars.

Les voluptueux et les voluptueuses souffrent un supplice semblable. Tous, hommes et femmes, conservent la beauté dont ils jouissaient à la plus belle époque de leur vie, mais ils sont soumis à une cause physiologique qui les condamne à une chasteté absolue.

Un autre châtiment, qui les désole plus encore, c'est le supplice des souvenirs. Une mémoire extraordinairement lucide leur rappelle les actes de leur vie terrestre. Une occupation continuelle parvient seule à les distraire ; mais la discipline est rigoureuse ; à chaque instant, ils sont condamnés à la salle de police, à la prison ou à la salle des souvenirs. A la salle de police et à la prison, on leur permet encore quelques distractions, mais à la salle des souvenirs on ne leur en permet aucune. Ils se trouvent là enfermés au milieu de tous les instruments de supplice et de torture employés sous tous les règnes ; sur les murs, sont peints à fresque toutes les souffrances et tous les meurtres ordonnés par les rois.

Quand Louis XI est enfermé dans la salle des souvenirs, il est mis dans une cage de fer en usage sous son règne, et placé en face de l'échafaud de Nemours dont le sang dégoutte sur la tête de ses enfants. Philippe le Bel est étendu sur un bûcher d'où il voit le supplice des Templiers. Ferdinand le Catholique est attaché sur un chevalet, la tête tournée vers un autodafé.

Notre caporal entend Néron se plaindre en ces termes à son camarade Caligula :

- Les trois quarts du temps, je suis puni de consigne ou de salle de police. Si je réclame contre une punition, on me l'augmente. Quand je ne suis pas à la salle de police, je suis au peloton de punition, et quand je ne suis pas au peloton de punition, je suis à la corvée de quartier. Enfin, je suis accablé de vexations de toutes sortes, sans compter mes autres souffrances. Voilà bien des siècles que cela dure. Quand cela finira-t-il ? »

- Mais c'est un enfer que votre régiment fantastique, dit le bon Pamphile à François Ier.

- Non, lui répond celui-ci, car les peines n'y sont pas éternelles. Le grand Inconnu, qui est la justice suprême, ne prononce pas de condamnation éternelle, attendu que des fautes finies, si grandes qu'elles soient, ne sauraient mériter des peines infinies. Notre planète et certaines autres ne sont pas des enfers, mais des purgatoires où les hommes, dans une ou plusieurs existences successives, payent les dettes morales qu'ils ont contractées dans une existence antérieure.

En devisant ainsi tantôt avec le sergent-major François Ier, tantôt avec le simple fantassin Charles V, tantôt avec son confrère le caporal Charles VII, le caporal Pamphile reçoit des instructions et des révélations sur ce qui intéresse au plus haut degré l'humanité. Enfin, dans une audience que lui accorde le colonel Alexandre le Grand, au cercle des officiers, l'ancien conquérant lui expose un projet de congrès international universel qu'il le charge de proposer à la terre pour établir à jamais sur notre globe la paix, la concorde et la fraternité.

- Mon colonel, s'écrie Pamphile enthousiasmé, votre projet est si logique, il me paraît tellement indispensable et l'idée en est si naturelle, qu'il me semble qu'aussitôt qu'il sera connu sur la terre, tout le monde dira là-bas : Comment se fait-il que l'on n'ait pas pensé plus tôt à établir un congrès universel ?

Malgré l'espoir du bon caporal, nous doutons que les différents gouvernements de notre planète se hâtent d'accueillir le projet d'Alexandre ; mais le congrès de la paix, qui s'assemblera à Berne en septembre prochain, ne peut manquer de le prendre en considération. Nous le recommandons spécialement au rapporteur chargé d'étudier quelle pourrait être la constitution des Etats unis de l'Europe.

E.-D. de Bièville. »



Si M. Victor Dazur (ce nom est sans doute un pseudonyme) s'est inspiré de la Pluralité des mondes habités de M. Flammarion, dont il se déclare un lecteur assidu, il a aussi largement glané dans les ouvrages spirites. Sauf le cadre dont il s'est servi, sa théorie philosophique des peines futures, de la pluralité des existences, de l'état des Esprits dégagés du corps, de la responsabilité morale, etc., est évidemment puisée dans la doctrine du Spiritisme, dont il reproduit non seulement l'idée, mais souvent même la forme.

Les passages suivants ne peuvent laisser de doute sur ce point.

« Tu rêves, mon ami, pensai-je ; tu rêves ! Tous ces souverains de la terre qui recommencent une nouvelle existence sur la planète Mars, ce génie au corps diaphane et aux ailes d'azur, tout cela sent le Spiritisme… Et cependant, quand tu es éveillé, tu ne crois pas à cette invention. Puis, m'adressant à François Ier, je lui dis :

- Major, il me vient à l'esprit une idée singulière ; cette idée me fait supposer que tout ce que je vois et tout ce que j'entends depuis que je suis arrivé ici n'est que l'effet d'un songe. Dites-moi, je vous prie, votre opinion. Pensez-vous, comme moi, que je rêve ?

- Mais non ! vous ne rêvez pas, me répondit François Ier d'un air aussi indigné que si je lui avais fait une demande très stupide. Non, vous ne rêvez pas ! Si vous rêviez, il défilerait devant votre esprit une foule de chimères sans queue ni tête. Les évènements dont vous seriez témoins n'auraient entre eux aucun rapport raisonnable.

- Mais, ce n'est pas tout, major. Ce qui me fait croire encore que je rêve, c'est que je me suis tâté, et que je ne me suis point trouvé de corps… Je me tâte encore maintenant, et je ne m'en trouve pas davantage. Cependant, je me sens vivre et je me vois des bras et des jambes. Il va sans dire que ces bras et ces jambes étant impalpables, ce ne sont que des apparences fantastiques. Je pourrais bien expliquer ces apparences, mais pour cela il me faudrait, moi qui ne crois pas au Spiritisme, admettre certaine théorie Spirite, qui, vraie ou fausse, est, dans tous les cas, assez ingénieuse.

Cette théorie prétend que l'Esprit d'un corps est entouré d'un périsprit, c'est-à-dire d'une enveloppe semi matérielle, qui peut prendre la forme de ce corps et devenir visible dans certains cas. Une fois le périsprit admis, la même théorie prétend qu'un individu peut quelquefois être vu au même instant dans deux endroits, même très éloignés l'un de l'autre, le corps dormant d'une part et l'apparence du corps, c'est-à-dire le périsprit, agissant d'autre part.

Si cette assertion était vraie, je me trouverais mettre en pratique la théorie dont je viens de parler. On pourrait voir en ce moment mon corps dormir à Paris pendant que vous voyez mon périsprit comme mon corps pourrait le faire. Mais je ne croirais une chose aussi extraordinaire que si elle était éprouvée.

Ce serait encore adopter le Spiritisme que d'admettre comme réelle cette réunion de potentats assemblés ici, à ce qu'ils prétendent, pour expier les méfaits qu'ils ont commis étant sur la terre.

- Si vous le voulez, me dit François Ier, ne croyez pas à ce que vous avez devant les yeux. Supposez un instant qu'au lieu d'être sur cette planète, vous êtes dans le domaine idéal de la raison, et dites-moi si vous croyez que les hommes qui font le mal, quel que soit leur rang dans la société, puissent être exempts du purgatoire après leur mort terrestre ? - Major, je ne sais que vous répondre. - Mais, je sais pourtant ce que vous pensez. Vous pensez que le purgatoire existe n'importe où, mais seulement pour les gens qui occupent les degrés les plus élevés de l'échelle sociale. Et ce qui vous porte à penser cela, c'est que les fautes des gens haut placés dans le monde, sont bien plus apparentes que celles des simples particuliers. Mais vous allez tout de suite modifier cette idée en songeant que, pour l'Etre suprême, il n'est pas de fautes cachées. En effet, le Grand Inconnu voit constamment sur la terre de simples particuliers qui font, relativement, autant de mal dans leur petite sphère d'action, qu'en ont fait dans leurs États certains tyrans flétris par l'histoire. Les simples particuliers dont je parle, au lieu d'exercer leur tyrannie dans un royaume, l'exercent dans leur famille et dans leur entourage, faisant souffrir sans pitié femme, enfants et subordonnés. Ces tyranneaux n'ont qu'un souci, qui est de jouir de la vie en échappant au code pénal du pays qu'ils habitent. Or, je vous le demande, croyez-vous que ces gens malfaisants, qui passent quelquefois pour être vertueux aux yeux de quiconque ne connaît pas leur vie, croyez-vous, dis-je, que ces êtres malfaisants sont aussitôt transportés dans un séjour de délices ? - Non, je ne le crois pas. - N'admettez-vous pas qu'ils ont contracté, en faisant le mal, une certaine dette morale ? - Si, major, je l'admets. - Eh bien ! alors, vous ne devez pas vous étonner que certaines planètes soient de vrais purgatoires où les hommes, dans une ou plusieurs existences, payent les dettes qu'ils ont contractées dans une existence antérieure.

- Mais, major, les souffrances que tout homme éprouve dans le cours de sa vie ne payent-elles pas suffisamment le mal qu'il peut faire depuis l'âge de raison jusqu'à la mort ?

- Cela ne se pourrait que pour un bien petit nombre d'individus ; car, le plus souvent, le mal qu'un homme fait rejaillit sur un certain nombre de ses semblables, ce qui multiplie d'autant la somme du mal personnel, et rend presque toujours la dette si forte que cet homme ne saurait la payer dans le cours de sa courte existence. Or, quand on n'a pas pu payer ses dettes dans une vie, il faut forcément les payer dans une autre ; car, en fait de dettes criminelles, le Grand Inconnu a disposé les choses de manière qu'il n'est pas de banqueroute possible.

Cela étant admis, vous admettrez bien aussi qu'il est impossible que des monstres comme Néron, Caligula, Héliogabale, Borgia et tant d'autres dont on ne peut nombrer les crimes, aient pu payer de pareilles dettes par le peu de maux qu'ils ont soufferts dans leur vie. Or, de deux choses l'une : ces hommes, à leur mort, sont tombés dans le néant, ou bien ils ont recommencé une nouvelle existence ; si l'on admet qu'ils soient tombés dans le néant, on admet tout naturellement qu'ils ont dû faire une banqueroute énorme. Vous conviendrez que l'idée d'une semblable banqueroute révolte l'esprit, tandis que si l'on admet qu'ils ont recommencé chacun une nouvelle existence, l'esprit se trouve satisfait en pensant que ces nouvelles vies ne peuvent être que des existences d'expiation ou, pour mieux dire, de purification[2].

- Major, n'est-il pas plus simple d'admettre la damnation éternelle pour les monstres dont vous parlez ? - Je conviens que c'est plus simple, mais non plus logique. La logique, qui doit être l'âme de la justice, refuse d'admettre la damnation éternelle, parce que des fautes finies ne sauraient mériter des peines infinies. »

Suit une dissertation des plus saisissantes et des plus logiques que nous ayons lues contre l'enfer et les peines éternelles, sur la justice de la proportionnalité des peines, et sur la doctrine du travail, mais que son étendue ne nous permet pas de reproduire.

« - Major, dit le caporal Pamphile, je vous ferai remarquer que la négation de l'enfer éternel, ainsi que la proportionnalité des peines, est le fond même de la doctrine des Spirites ; or, je vous l'ai déjà dit, je ne crois pas au Spiritisme. - Alors… croyez à l'enfer éternel si cela vous fait plaisir. »

Parmi les souverains que le caporal Pamphile trouve dans la planète Mars, il y en a qui vivaient du temps du déluge, des rois d'Assyrie, au temps de la tour de Babel, des Pharaons au temps du passage de la mer Rouge par les Hébreux, etc., et chacun donne sur ces évènements des explications qui, pour la plupart, ont le mérite, sinon de la preuve matérielle, du moins celui de la logique.

En somme, le cadre choisi par l'auteur pour émettre ses idées est heureux, jusqu'à sa négation même du Spiritisme qui aboutit, en définitive, à une affirmation indirecte. Nous dirons, comme le Siècle, que, sous une forme en apparence légère, toutes les questions y sont traitées avec une certaine érudition, avec une bonne foi évidente, avec gaieté presque toujours, avec esprit souvent, et quelquefois avec éloquence. Nous ajouterons que, ne connaissant point l'auteur, si ce numéro lui tombe sous la main, nous désirons qu'il y trouve l'expression de nos sincères félicitations, car il a fait un livre intéressant et très utile.



Conférences sur l'âme par M. Alexandre Chaseray[3]

Les ouvrages modernes où le principe de la pluralité des existences est affirmé incidemment sont innombrables ; mais celui dont nous parlons nous paraît un de ceux où il est traité de la manière la plus complète ; l'auteur s'attache en outre à démontrer que l'idée grandit et s'impose chaque jour davantage aux Esprits éclairés.

Dans les fragments que nous rapportons ci-après, les notes sont de l'auteur.

« La transmigration des âmes, dit M. Chaseray, est une idée philosophique à la fois des plus anciennes et des plus nouvelles. La métempsycose fait le fond de la religion des Indiens, religion bien antérieure au judaïsme, et Pythagore a pu tenir cette croyance des Brahmanes, s'il est vrai qu'il ait pénétré dans l'Inde ; mais il est plus probable qu'il la rapporta de l'Égypte où il séjourna longtemps. La civilisation régnait sur les bords du Nil plusieurs milliers d'années avant la naissance de Moïse, et, au dire d'Hérodote, les prêtres égyptiens ont annoncé les premiers que l'âme est immortelle et qu'elle passe successivement dans toutes les espèces d'animaux avant d'entrer dans un corps d'homme.

Les Grecs, de leur côté, n'abandonnèrent jamais complètement la métempsycose. Ceux d'entre eux qui n'admettaient pas dans son entier la doctrine de Pythagore, croyaient vaguement avec Platon que l'âme immortelle avait existé quelque part, avant de se manifester sous forme humaine, ou croyaient au fleuve Léthé et à la renaissance de l'homme dans l'humanité. Parmi les premiers chrétiens, beaucoup de néophytes entendaient retenir de leurs anciens dogmes ce qui leur en paraissait bon ; les Manichéens, par exemple, avaient conservé les deux principes du bien et du mal et la migration des âmes ; c'est ainsi que les hérésiarques venant à se multiplier, les Pères et les Conciles eurent tant à faire pour ramener les esprits à une foi uniforme. Définitivement victorieuse, l'Église apostolique bannit de son empire la métempsycose, à laquelle se substitua le dogme du jugement irrévocable et du partage des humains en élus et en damnés. Le purgatoire fut introduit plus tard comme correctif d'une décision par trop inflexible.

De même que je n'ai pas trop considéré comme un progrès le spiritualisme de saint Thomas dont on ne voit nulle trace dans les livres saints, de même encore je ne juge ni heureuse ni conforme à l'antique doctrine du péché originel, qui établit une solidarité si étroite entre toutes les générations d'hommes, l'affirmation dogmatique consistant à dire que l'existence de chacun de nous est sans racines dans le passé et aboutit à un paradis ou à un enfer éternels. C'est là, suivant moi, une hérésie philosophique contre laquelle l'esprit moderne réagit avec force.

On revient de toutes parts à la transmigration des âmes. Mais on conçoit généralement de nos jours une métempsycose plus large que celle dont on attribuait la croyance aux Anciens. L'esprit d'induction, ayant franchi les limites de la terre et reconnu dans les soleils et les planètes des mondes habitables, n'a plus borné les destinées de l'homme au globe terrestre. Au lieu de voir l'âme parcourant sans cesse le cercle des plantes, des animaux et de l'espèce humaine ou renaissant constamment dans l'humanité, on a pu se la figurer prenant son essor vers les mondes infinis[4].

Je n'ai que l'embarras du choix en fait de citations pour montrer que la foi a une série d'existences, les unes antérieures, les autres postérieures à la vie présente, grandit et s'impose chaque jour davantage aux esprits éclairés.

Commençons par Jean Reynaud. Ce philosophe insiste sur la liaison naturelle que présentent les deux idées de préexistence et de vie future.

Si l'on examinait, dit-il, tous les hommes qui ont passé sur la terre, depuis que l'ère des religions savantes y a commencé, on verrait que la grande majorité a vécu dans la conscience plus ou moins arrêtée d'une existence prolongée par des voies invisibles en deçà comme au delà des limites de cette vie. Il y a, en effet, une sorte de symétrie si logique qu'elle a dû séduire les imaginations à première vue ; le passé y fait équilibre à l'avenir, et le présent n'est que le pivot entre ce qui n'est plus et ce qui n'est pas encore. Le platonisme a réveillé cette lumière précédemment agitée par Pythagore, et s'en est servi pour éclairer les plus belles âmes qui aient honoré les temps anciens[5]. »

Ce jugement de Jean Reynaud se trouve pleinement confirmé par la note suivante de Lagrange, l'élégant traducteur du poème de Lucrèce :

De tous les philosophes qui ont vécu avant le christianisme, aucun n'a soutenu l'immortalité de l'âme sans établir préalablement sa préexistence ; l'un de ces dogmes était regardé comme la conséquence naturelle de l'autre. On croyait que l'âme devait toujours exister, parce qu'elle avait toujours existé ; et l'on était persuadé, au contraire, qu'en accordant qu'elle avait été engendrée avec le corps, on n'était plus en droit de nier qu'elle dût mourir avec lui. « - Notre âme, dit Platon, existait quelque part avant d'être dans cette forme d'hommes ; voilà pourquoi je ne doute pas qu'elle ne soit immortelle. »

Le vieux druidisme, poursuit l'auteur de Terre et Ciel, parle à mon cœur. Ce même sol que nous habitons aujourd'hui a porté avant nous un peuple de héros, qui tous étaient habitués à se considérer comme ayant pratiqué l'univers de longue date avant leur incarnation actuelle, fondant ainsi l'espérance de leur immortalité sur la conviction de leur préexistence.

Un de nos meilleurs historiens donne aussi de grands éloges au principal enseignement des druides ; Henri Martin est d'avis que nos pères, les Gaulois, représentaient dans le monde antique « la plus ferme, la plus claire notion de l'immortalité qui fut jamais[6]. »

Eugène Sue dit à son tour de la foi druidique :

« Selon cette sublime croyance, l'homme immortel, esprit et matière, venu d'en bas, allant en haut, transitait par cette terre, y demeurait passagèrement, ainsi qu'il avait demeuré et devait demeurer dans ces autres sphères qui brillent innombrables, au milieu des abîmes de l'espace[7]. »

Déjà, au dix-septième siècle, Cyrano de Bergerac disait à l'imitation des prêtres gaulois :

« Nous mourons plus d'une fois ; et, comme nous ne sommes que des parties de cet univers, nous changeons de forme pour reprendre vie ailleurs ; ce qui n'est point un mal, puisque c'est un chemin pour perfectionner son être et pour arriver à un nombre infini de connaissances. »

Plusieurs de nos contemporains, sans paraître s'inspirer des druides, annoncent cependant aussi que la destinée de l'âme est de voyager de mondes en mondes.

On lit, par exemple, dans la Profession de foi du dix-neuvième siècle, d'Eugène Pelletan :

« Par l'irrésistible logique de l'idée, je crois pouvoir affirmer que la vie mortelle aura l'espace infini pour lieu de pèlerinage… L'homme ira donc toujours de soleil en soleil, montant toujours, comme sur l'échelle de Jacob, la hiérarchie de l'existence ; passant toujours, selon son mérite et selon son progrès, de l'homme à l'ange, de l'ange à l'archange. »

Et dans la Rénovation religieuse, de M. Patrice Larroque, ancien recteur à l'Académie :

On peut conjecturer que la plupart des autres globes qui se meuvent dans l'espace, portent, comme la terre, des êtres organisés et animés, et que ces globes seront les théâtres successifs de nos vies futures.

Lamennais exprime l'idée de renaissance d'une manière tout aussi précise quoique plus restreinte :

« Le progrès, dit-il, possible à l'individu sous sa forme organique actuelle étant accompli, il rend à la masse élémentaire cet organisme usé, il en revêt un autre plus parfait[8]. »

Signalons encore le trait suivant du discours prononcé par M. Guéroult, de l'Opinion nationale, sur la tombe du père Enfantin :

« Nul ne fut plus religieux qu'Enfantin ; nul n'a vécu, autant que lui, en présence de la vie éternelle dont cette vie qui nous échappe à chaque instant n'est qu'une des étapes innombrables. »

Un de nos romanciers les plus célèbres donne à penser qu'il croit au passage des êtres inférieurs dans les espèces supérieures, et, nommément, des animaux dans l'humanité :

Expliquera qui voudra, dit George Sand, ces affinités entre l'homme et certains êtres secondaires dans la création. Elles sont tout aussi réelles que les antipathies et les terreurs insurmontables que nous inspirent certains animaux inoffensifs… C'est peut-être que tous les types, départis chacun spécialement à chaque race d'animaux, se retrouvent dans l'homme. Les physionomistes ont constaté des ressemblances physiques ; qui peut nier les ressemblances morales ? N'y a-t-il pas parmi nous des renards, des loups, des lions, des aigles, des hannetons, des mouches ? La grossièreté humaine est souvent basse et féroce comme l'appétit du pourceau…

George Sand se montre plus explicite à l'égard de la migration des âmes dans les lignes suivantes du même ouvrage[9] :

Si nous ne devons pas aspirer à la béatitude des purs esprits du pays des chimères, si nous devons entrevoir toujours au delà de cette vie un travail, un devoir, des épreuves et une organisation limitée dans ses facultés vis-à-vis de l'infini, du moins il nous est permis par la raison, et il nous est commandé par le cœur, de compter sur une suite d'existences progressives en raison de nos bons désirs… Nous pouvons regarder cette terre comme un lieu de passage et compter sur un réveil plus doux dans le berceau qui nous attend ailleurs. De mondes en mondes, nous pouvons, en nous dégageant de l'animalité qui combat ici-bas notre spiritualisme, nous rendre propres à revêtir un corps plus pur, plus approprié aux besoins de l'âme, moins combattu et moins entravé par les infirmités de la vie humaine telle que nous la subissons ici-bas.

Citons encore un romancier, Balzac. Les romanciers de cet ordre, de même que les poètes hors ligne, abordent les questions les plus élevées, et savent semer de traits profonds leurs écrits d'une forme agréable et légère. C'est ainsi que, dans les Misérables, Victor Hugo laisse tomber de sa plume cette vague interrogation : « D'où venons-nous ? et est-il bien sûr que nous n'ayons rien fait avant d'être né ? » Ce n'est qu'en pensant, et sans parti pris de soutenir une thèse philosophique, que l'auteur de la Comédie humaine parle des existences successives. Aussi ne puis-je que saisir cette pensée au vol de plusieurs de ses romans.

Voici, par exemple, quelques lignes du Lys dans la vallée :

« L'homme est composé de matière et d'esprit ; l'animalité vient aboutir en lui, et l'ange commence en lui. De là cette lutte que nous éprouvons tous entre une destinée future que nous pressentons et les souvenirs de nos instincts extérieurs, dont nous ne sommes pas entièrement détachés : un amour charnel et un amour divin. »

Et je trouve dans Séraphita, ce roman mystique où Balzac expose avec un intérêt et un charme si puissants la doctrine religieuse du Suédois Swedenborg :

« Les qualités acquises et qui se développent lentement en nous sont des liens invisibles qui rattachent chacun de nos existences l'un à l'autre. »

Enfin, dans les Comédiens sans le savoir, la sibylle, madame Fontaine, demande à Gazonal :

- Quelle fleur aimez-vous ?

- La rose.

- Quelle couleur affectionnez-vous ?

- Le bleu.

- Quel animal préférez-vous ?

- Le cheval. Pourquoi ces questions ? demande-t-il à son tour.

- L'homme tient à toutes les formes par ses états antérieurs, dit-elle sentencieusement ; de là viennent ses instincts, et ses instincts dominent sa destinée. »

Michelet témoigne de sa sympathie pour les mêmes idées, quand il appelle le chien un candidat à l'humanité, et lorsqu'il dit en parlant des oiseaux :

« Que sont-ils ? des âmes ébauchées, des âmes spécialisées encore dans telles fonctions de l'existence, des candidats à la vie plus générale et plus vastement harmonique où est arrivée l'âme humaine[10]. »

Pierre Leroux ne croit pas que l'homme ait passé par les types inférieurs des animaux et des plantes. Suivant lui, les individus se perpétuent au sein de l'espèce et l'homme renaît indéfiniment dans l'humanité. La solidarité entre tous les membres de la famille humaine est alors évidente ; le bien qu'un homme fait à ses semblables tourne à son propre avantage, puisqu'il ne s'en sépare à la mort que pour revenir bientôt se mêler à eux. En soutenant la perpétuité de l'être au sein de l'espèce, Pierre Leroux s'écarte des auteurs que je viens de citer et ne rencontre pas beaucoup d'approbateurs[11] ; mais il n'en est pas moins un défenseur ardent de l'idée générale et d'une importance extrême qui rattache la vie actuelle à une série d'existences.

Après avoir dit que l'enfant venant au monde n'est pas, comme le prétendait l'école de Locke, une table rase ; et que c'est faire injure à la Divinité de supposer qu'elle tire du néant de nouvelles créatures, qu'elle embellit au hasard de ses dons ou frappe au hasard de sa colère, Pierre Leroux conclut par ces mots :

Ainsi, de toute nécessité, il faut admettre ou le système indéterminé des métempsycoses, ou le système déterminé de renaissance dans l'humanité que je soutiens[12].

Je suis loin de repousser d'une manière absolue le système de renaissance dans l'humanité ; mais l'humanité a eu un commencement, postérieur même à celui de la plupart des espèces animales et végétales qui couvrent notre globe ; l'humanité aura une fin ; et, puisque l'âme ne périt pas, il faut que l'être permanent, le moi, plonge ses racines ailleurs que dans l'humanité, et trouve son développement futur ailleurs que dans l'humanité, forme transitoire. »

Les nombreuses citations que fait l'auteur, et qui sont loin d'être complètes, prouvent combien est générale l'idée de la pluralité des existences, et qu'avant peu elle sera passée à l'état de vérité acquise. Sur d'autres points, il s'écarte complètement de la doctrine spirite ; nous sommes loin de partager son opinion sur toutes les questions qu'il traite dans son livre, notamment en ce qui concerne la divinité à laquelle il attribue un rôle secondaire, et la nature intime de l'âme dont il conteste la spiritualité. Son système est une sorte de panthéisme qui côtoie le Spiritisme, et semble être un terme moyen pour certaines gens qui ne veulent ni de l'athéisme, ni du néantisme, ni du spiritualisme dogmatique. Quelque incomplet qu'il soit, ce n'en est pas moins un notable progrès sur les idées matérialistes dont il est beaucoup plus éloigné que des nôtres. Sauf quelques points très controversables, l'ouvrage contient des vues très profondes et très justes auxquelles le Spiritisme ne peut que s'associer.





[1] Un fort vol. in-12, Prix : 3 fr. 50 c. ; par la poste, 4 fr. Cet ouvrage a été imprimé à Lyon et ne porte aucun nom d'éditeur ; il est dit simplement qu'il se trouve à Paris, chez tous les libraires. Nous nous le sommes procuré à la librairie Internationale, 15, boulevard Montmartre.


[2] Si l'effet de l'injustice ou du mal qu'un homme commet à l'égard d'un autre homme, s'arrête à l'individu, la nécessité de la réparation sera individuelle ; mais si, par coutre coup, ce mal préjudicie, de proche en proche, à cent individus, sa dette sera centuplée, car ce seront cent réparations à accomplir. Plus il aura fait de victimes, directement ou indirectement, plus il y aura d'individus qui lui demanderont compte de sa conduite. C'est ainsi que la responsabilité, et le nombre des réparations augmentant avec l'étendue de l'autorité dont on est revêtu, on est responsable vis-à-vis d'individus que l'on n'a jamais connus, mais qui n'en ont pas moins souffert des conséquences de nos actes.


[3] Petit volume in-12 ; prix, 1 fr. 50 ; par la poste, 1 fr. 75. Chez Germer-Baillière, 17, rue de l'Ecole de médecine.


[4] Il était si naturel de profiter de l'issue glorieuse ouverte à l'âme par les découvertes astronomiques, que je ne puis croire que la métempsycose de Pythagore ait été réellement ce que le vulgaire en pensait ; car Pythagore connaissait le vrai système du monde ; le double mouvement de rotation et de translation de la terre ; l'immobilité relative du soleil ; l'importance des étoiles fixes, dont chacune est un soleil et le centre d'un groupe de planètes très probablement habitées ; la marche et le retour des comètes : rien de tout cela n'était ignoré de Pythagore. Ce philosophe, instruit par les savants prêtres égyptiens qui ne révélaient leurs secrets qu'à un petit nombre d'initiés, crut devoir, à leur exemple, tenir secrète cette partie de sa science. Un de ses disciples, moins scrupuleux, la divulgua ; mais comme les preuves faisaient défaut et que les vérités se trouvaient perdues au milieu d'erreurs et de rêveries mystiques, la révélation passa inaperçue. Il ne suffit pas d'émettre une idée juste, il faut savoir la faire accepter ; aussi Copernic et Galilée, les vulgarisateurs du véritable système cosmologique, en sont-ils regardés comme les inventeurs, quoique la notion première s'en perde dans la nuit des temps.


[5] Terre et Ciel.


[6] Histoire de France, 4e édit., t. I.


[7] Feuilleton de la Presse, du 19 octobre 1854. Les anciens auteurs n'ont pas tous méconnu le beau côté de la religion des druides, témoin ces vers de Lucain :

Vobis auctoribus, umbræ

Non tacitas Erebi sedes, Ditisque profundi

Pallida regna petunt : regit idem spiritus artus

Orbe alio : longæ (canitis si cognita) vitæ

Mors media est.

« Selon vous, Druides, les ombres ne descendent pas dans les silencieuses demeures de l'Erèbe, dans les pâles royaumes du dieu de l'abîme. Le même Esprit anime un nouveau corps dans une autre sphère. La mort (si vos hymnes contiennent la vérité) est le milieu d'une longue vie. »


[8] De la société première et de ses lois, liv. III.


[9] Histoire de ma vie.


[10] L'Oiseau.


[11] Goethe paraissait partager cette manière de voir, lorsqu'il s'écriait dans une de ses lettres à la charmante madame de Stein : « Pourquoi le destin nous a-t-il liés si étroitement ? Ah ! dans des temps écoulés, tu fus ma sœur ou mon épouse ! Tu as connu le moindre de mes traits, tu as épié la vibration de la plus pure de mes fibres, tu m'as su lire d'un regard, moi qu'un œil humain pénètre difficilement ! » (Revue germanique, décembre 1865.)

Victor Meunier n'est pas éloigné de croire aussi à la renaissance de l'homme sur la terre : « Le sort de ceux qui viendront après nous, dit-il, ne me trouve point indifférent, loin de là ! D'autant qu'il ne m'est pas démontré que nous ne nous succéderons point à nous-mêmes. » (La Science et les savants en 1865, 2e semestre.)


[12] De l'Humanité.


Articles connexes

Voir articles connexes