INSTRUCTION PRATIQUE SUR LES MANIFESTATIONS SPIRITES

Allan Kardec

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CHAPITRE VII – Influence du milieu sur les manifestations


Ce serait une grave erreur de croire qu'il faut être médium pour attirer à soi les êtres du monde invisible. L'espace en est peuplé ; nous en avons sans cesse autour de nous, à nos côtés, qui nous voient, nous observent, se mêlent à nos réunions, qui nous suivent ou nous fuient selon que nous les attirons ou les repoussons. La faculté médiatrice n'est rien pour cela ; elle n'est qu'un moyen de communication. D'après ce que nous avons vu sur les causes de sympathie ou d'antipathie des Esprits, on comprendra aisément que nous devons être entourés de ceux qui ont de l'affinité pour notre propre Esprit selon qu'il est élevé ou dégradé. Considérons maintenant l'état moral de notre globe, et l'on comprendra quel est le genre d'Esprits qui doit dominer parmi les Esprits errants. Si nous prenons chaque peuple en particulier, nous pourrons juger, par le caractère dominant des habitants, par leurs préoccupations, leurs sentiments plus ou moins moraux et humanitaires, des ordres d'Esprits qui s'y donnent de préférence rendez-vous. Les Esprits ne sont autre chose que nos âmes dégagées de nos corps, et qui emportent avec elles le reflet de nos qualités et de nos imperfections ; ils sont bons ou mauvais selon ce que nous avons été, à l'exception de ceux qui, ayant laissé au fond de l'alambic terrestre leurs impuretés, se sont élevés au-dessus de la tourbe des Esprits imparfaits. Le monde spirite n'est donc, en réalité, qu'un extrait quintessence du monde corporel et qui en emporte les bonnes et les mauvaises odeurs.

Partant de ce principe, supposons une réunion d'hommes légers, inconséquents, occupés de leurs plaisirs : quels seront les Esprits qui s'y trouveront de préférence ? Ce ne seront pas assurément des Esprits supérieurs, pas plus que nos savants et nos philosophes n'iraient y passer leur temps. Ainsi, toutes les fois que des hommes s'assemblent, ils ont avec eux une assemblée occulte qui sympathise avec leurs qualités ou leurs travers, et cela abstraction faite de toute pensée d'évocation. Admettons maintenant qu'ils aient la possibilité de s'entretenir avec les êtres du monde invisible par un interprète, c'est-à-dire par un médium ; quels sont ceux qui vont répondre à leur appel ? Evidemment ceux qui sont là, tout prêts, et qui ne cherchent qu'une occasion de se communiquer. Si dans une assemblée futile on appelle un Esprit supérieur, il pourra venir, et même faire entendre quelques paroles raisonnables, comme un bon pasteur vient au milieu de ses brebis égarées ; mais du moment qu'il ne se voit ni compris ni écouté, il s'en va, comme vous le feriez vous-même à sa place, et les autres ont leurs coudées franches.

Il ne suffit pas toujours qu'une assemblée soit sérieuse pour avoir des communications d'un ordre élevé ; il y a des gens qui ne rient jamais et dont le cœur n'en est pas plus pur ; or c'est le cœur surtout qui attire les bons Esprits. Aucune condition morale n'exclut les communications spirites ; mais si l'on est dans de mauvaises conditions, on cause avec ses pareils, qui ne se font pas faute de nous tromper, et souvent caressent nos préjugés.

Pour n'être pas d'un ordre supérieur, un Esprit n'est pas toujours mauvais pour cela : il n'est souvent que léger. Si vous vous amusez de ses facéties, il s'en donnera à cœur joie, et vous rendrait des points pour le sel des épigrammes qui portent rarement à faux, et sous une forme joviale donnent souvent de piquantes leçons. Ce sont les vaudevillistes du monde spirite, comme les Esprits supérieurs en sont les savants et les philosophes.

On voit par-là l'énorme influence du milieu sur la nature des manifestations intelligentes ; mais cette influence ne s'exerce point comme l'ont prétendu quelques personnes, alors qu'on ne connaissait pas encore le monde des Esprits comme on le connaît aujourd'hui, et avant que des expériences plus concluantes ne soient venues éclaircir les doutes. Lorsque des communications concordent avec l'opinion des assistants, ce n'est point parce que cette opinion se réfléchit dans l'Esprit du médium comme dans un miroir, c'est parce que vous avez avec vous des Esprits qui vous sont sympathiques, pour le bien comme pour le mal, et qui abondent dans votre sens ; et ce qui le prouve, c'est que si vous avez la force d'attirer à vous d'autres Esprits que ceux qui vous entourent, ce même médium va vous tenir un langage tout différent, et vous dire les choses les plus éloignées de votre pensée et de vos convictions. En résumé, les conditions du milieu seront d'autant meilleures qu'il y aura plus d'homogénéité pour le bien, plus de sentiments purs et élevés, plus de désir sincère de s'instruire sans arrière-pensée.

Dans ce milieu, trois éléments peuvent influencer tour à tour ou simultanément : l'ensemble des assistants par les Esprits qu'ils attirent, le médium par la nature de son propre Esprit qui sert d'interprète, et celui qui interroge. Celui-ci peut, à lui seul, dominer toutes les autres influences, et, nonobstant toutes les conditions défavorables de l'entourage, il peut quelquefois obtenir de grandes choses par son ascendant, si le but qu'il se propose est utile ; les Esprits supérieurs viennent à son appel, et pour lui ; les autres se taisent comme des écoliers devant leurs maîtres.

L'influence du milieu fait comprendre que moins on est nombreux dans les réunions, mieux cela vaut, parce qu'il est plus facile d'obtenir l'homogénéité. Les petits comités intimes sont toujours plus favorables aux belles communications ; cependant on conçoit que si cent personnes réunies sont suffisamment recueillies et attentives, elles obtiendront plus que dix qui seraient distraites et bruyantes. Ce qu'il faut surtout entre les assistants, c'est une communion de pensée ; si cette communion est en vue du bien, les bons Esprits viennent facilement et volontiers. On ne saurait donc apporter trop de circonspection dans les éléments nouveaux que l'on introduit dans les réunions ; il y a des gens qui portent le trouble avec eux partout où ils se trouvent. Les plus fâcheux, dans ce cas, ne sont pas les ignorants sur la matière, ni même ceux qui ne croient pas : la conviction ne s'acquiert que par l'expérience, et il y a des gens qui veulent s'éclairer de bonne foi. Ceux surtout dont il faut se préserver sont les gens à système préconçu, les incrédules quand même qui doutent de tout, même de l'évidence ; les orgueilleux qui prétendent avoir seuls la lumière infuse, veulent partout imposer leur opinion, et regardent avec dédain quiconque ne pense pas comme eux. Ne vous laissez pas prendre à leur prétendu désir de s'éclairer ; il en est plus d'un qui serait bien fâché d'être forcé de convenir qu'il s'est trompé ; gardez-vous surtout de ces péroreurs insipides qui veulent toujours avoir le dernier mot : les Esprits n'aiment pas les paroles inutiles.

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