LA GENÈSE, LES MIRACLES ET LES PRÉDICTIONS SELON LE SPIRITISME

Allan Kardec

Retour au menu
CHAPITRE XVII
Prédictions de l'Evangile.

Nul n'est prophète en son pays. - Mort et passion de Jésus. - Persécution des apôtres. - Villes impénitentes. - Ruine du Temple et de Jérusalem. - Malédiction aux pharisiens. - Mes paroles ne passeront point. - La pierre angulaire. - Parabole des vignerons homicides. - Un seul troupeau et un seul pasteur. - Avènement d'Elie. - Annonce du Consolateur. - Second avènement du Christ. - Signes précurseurs.-Vos fils et vos filles prophétiseront. - Jugement dernier.

NUL N'EST PROPHETE EN SON PAYS.

1.- Et étant venu en son pays, il les instruisait dans leurs synagogues, de sorte qu'étant saisis d'étonnement, ils disaient : D'où sont venus à celui-ci cette sagesse et ces miracles ? - N'est-ce pas le fils de ce charpentier ? Sa mère ne s'appelle-t-elle pas Marie, et ses frères Jacques, Joseph, Simon et Jude ? Et ses soeurs ne sont-elles pas toutes parmi nous ? Et ainsi ils prenaient de lui un sujet de scandale. Mais Jésus leur dit : Un prophète n'est sans honneur que dans son pays et dans sa maison. - Et il ne fit pas là beaucoup de miracles, à cause de leur incrédulité (Saint Matthieu, ch. XIII, v. de 54 à 58).

2.- Jésus énonçait là une vérité passée en proverbe, qui est de tous les temps, et à laquelle on pourrait donner plus d'extension en disant que nul n'est prophète de son vivant.

Dans le langage usuel, cette maxime s'entend du crédit dont un homme jouit parmi les siens et ceux au milieu desquels il vit, de la confiance qu'il leur inspire par la supériorité du savoir et de l'intelligence. Si elle souffre des exceptions, elles sont rares, et, dans tous les cas, elles ne sont jamais absolues ; le principe de cette vérité est une conséquence naturelle de la faiblesse humaine, et peut s'expliquer ainsi :

L'habitude de se voir depuis l'enfance, dans les circonstances vulgaires de la vie, établit entre les hommes une sorte d'égalité matérielle qui fait que, souvent, on se refuse à reconnaître une supériorité morale en celui dont on a été le compagnon ou le commensal, qui est sorti du même milieu et dont on a vu les premières faiblesses ; l'orgueil souffre de l'ascendant qu'il est obligé de subir. Quiconque au-dessus du niveau commun est toujours en butte à la jalousie et à l'envie ; ceux qui se sentent incapables d'atteindre à sa hauteur s'efforcent de le rabaisser par le dénigrement, la médisance et la calomnie ; ils crient d'autant plus fort qu'ils se voient plus petits, croyant se grandir et l'éclipser par le bruit qu'ils font. Telle a été et telle sera l'histoire de l'humanité, tant que les hommes n'auront pas compris leur nature spirituelle et n'auront pas élargi leur horizon moral ; aussi ce préjugé est-il le propre des esprits étroits et vulgaires, qui rapportent tout à leur personnalité.

D'un autre côté, on se fait généralement des hommes, que l'on ne connaît que par leur esprit, un idéal qui grandit avec l'éloignement des temps et des lieux. On les dépouille presque de l'humanité ; il semble qu'ils ne doivent ni parler ni sentir comme tout le monde ; que leur langage et leurs pensées doivent être constamment au diapason de la sublimité, sans songer que l'esprit ne saurait être incessamment tendu, et dans un état perpétuel de surexcitation. Dans le contact journalier de la vie privée, on voit trop l'homme matériel, que rien ne distingue du vulgaire. L'homme corporel, qui frappe les sens, efface presque l'homme spirituel, qui ne frappe que l'esprit ; de loin, on ne voit que les éclairs du génie ; de près, on voit les repos de l'esprit.

Après la mort, la comparaison n'existant plus, l'homme spirituel reste seul, et il paraît d'autant plus grand, que le souvenir de l'homme corporel est plus éloigné. Voilà pourquoi les hommes qui ont marqué leur passage sur la terre par des oeuvres d'une valeur réelle, sont plus appréciés après leur mort que de leur vivant. Ils sont jugés avec plus d'impartialité, parce que les envieux et les jaloux ayant disparu, les antagonismes personnels n'existent plus. La postérité est un juge désintéressé qui apprécie l'oeuvre de l'esprit, l'accepte sans enthousiasme aveugle si elle est bonne, la rejette sans haine si elle est mauvaise, abstraction faite de l'individualité qui l'a produite.

Jésus pouvait d'autant moins échapper aux conséquences de ce principe, inhérent à la nature humaine, qu'il vivait dans un milieu peu éclairé, et parmi des hommes, tout entiers à la vie matérielle. Ses compatriotes ne voyaient en lui que le fils du charpentier, le frère d'hommes aussi ignorants qu'eux, et ils se demandaient ce qui pouvait le rendre supérieur à eux et lui donner le droit de les censurer ; aussi, en voyant que sa parole avait moins de crédit sur les siens, qui le méprisaient, que sur les étrangers, il alla prêcher parmi ceux qui l'écoutaient, au milieu desquels il trouvait de la sympathie.

On peut juger de quels sentiments ses proches étaient animés envers lui par ce fait, que ses propres frères, accompagnés de sa mère, vinrent dans une assemblée où il se trouvait, pour se saisir de lui, disant qu'il avait perdu l'esprit. (Saint Marc, ch. III, v. 20, 21, et de 31 à 35. - Evangile selon le Spiritisme, ch. XIV.)

Ainsi, d'un autre côté, les prêtres et les pharisiens accusaient Jésus d'agir par le démon ; de l'autre, il était taxé de folie par ses plus proches parents. N'est-ce pas ainsi qu'on en use de nos jours à l'égard des spirites, et ceux-ci doivent-ils se plaindre de n'être pas mieux traités par leurs concitoyens que ne le fût Jésus ? Ce qui n'avait rien d'étonnant il y a deux mille ans, chez un peuple ignorant, est plus étrange au dix-neuvième siècle chez les nations civilisées.

MORT ET PASSION DE JESUS.

3.- (Après la guérison du lunatique). - Tous furent étonnés de la grande puissance de Dieu. Et lorsque tout le monde était dans l'admiration de ce que faisait Jésus, il dit à ses disciples : Mettez bien dans votre coeur ce que je vais vous dire. Le fils de l'homme doit être livré entre les mains des hommes. - Mais ils n'entendaient point ce langage ; il leur était tellement caché, qu'ils n'y comprenaient rien, et ils appréhendaient même de l'interroger à ce sujet (Saint Luc, ch. IX, v. 44, 45).

4.- Dès lors, Jésus commença à découvrir à ses disciples qu'il fallait qu'il allât à Jérusalem ; qu'il y souffrit beaucoup de la part des sénateurs, des scribes et des princes des prêtres ; qu'il fût mis à mort, et qu'il ressuscitât le troisième jour (Saint Matthieu, ch. XVI, v. 21).

5.- Lorsqu'ils étaient en Galilée, Jésus leur dit : Le Fils de l'homme doit être livré entre les mains des hommes ; - et ils le feront mourir, et il ressuscitera le troisième jour : ce qui les affligea extrêmement (Saint Matthieu, XVI, v. 21, 22).

6.- Or Jésus, s'en allant à Jérusalem, il prit à part ses douze disciples, et leur dit : Nous allons à Jérusalem, et le Fils de l'homme sera livré aux princes des prêtres et aux scribes, qui le condamneront à mort, - et le livreront aux gentils, afin qu'ils le traitent avec moquerie, et qu'ils le fouettent et le crucifient ; et il ressuscitera le troisième jour (Saint Matthieu, ch. XX, v. 17, 18, 19).

7.- Ensuite Jésus, prenant à part les douze apôtres, leur dit : Voici, nous allons à Jérusalem, et tout ce qui a été écrit par les prophètes touchant le Fils de l'homme va être accompli ; - Car il sera livré aux gentils ; on se moquera de lui, on le fouettera, on lui crachera au visage. - Et après qu'on l'aura fouetté on le fera mourir, et il ressuscitera le troisième jour.

Mais ils ne comprirent rien à tout cela : ce langage leur était caché, et ils n'entendaient point ce qu'il leur disait (Saint Luc, ch. XVIII, v. 31 à 34).

8.- Jésus, ayant achevé tous ces discours, dit à ses disciples : Vous savez que la Pâque se fera dans deux jours, et que le Fils de l'homme sera livré pour être crucifié.

Au même temps, les princes des prêtres et les anciens du peuple s'assemblèrent dans la cour du grand prêtre, appelé Caïphe, - et tinrent conseil ensemble pour trouver moyen de se saisir adroitement de Jésus, et de le faire mourir. - Et ils disaient : Il ne faut pas que ce soit pendant la fête, de peur qu'il ne s'excite quelque tumulte parmi le peuple (Saint Matthieu, ch. XXVI, v. 1 à 5).

9.- Le même jour, quelques-uns des pharisiens vinrent lui dire : Allez-vous-en, sortez de ce lieu, car Hérode veut vous faire mourir. - Il leur répondit : Allez dire à ce renard : J'ai encore à chasser les démons, et à rendre la santé aux malades aujourd'hui et demain, et le troisième jour je serai consommé par ma mort (Saint Luc, ch. XIII, v. 31, 32).

PERSECUTION DES APOTRES.

10.- Donnez-vous garde des hommes, car ils vous feront comparaître dans leurs assemblées, et ils vous feront fouetter dans leurs synagogues ; et vous serez présentés, à cause de moi, aux gouvernements et aux rois, pour leur servir de témoignage, aussi bien qu'aux nations (Saint Matthieu, ch. X, v. 17, 18).

11.- Ils vous chasseront des synagogues ; et le temps vient où quiconque vous fera mourir croira faire une chose agréable à Dieu. - Ils vous traiteront de la sorte, parce qu'ils ne connaissent ni mon Père ni moi. - Or, je vous dis ces choses afin que lorsque le temps sera venu, vous vous souveniez que je vous les ai dites (Saint Jean, ch. XVI, v. 1 à 4).

12.- Vous serez trahis et livrés aux magistrats par vos pères et vos mères, par vos frères, par vos parents, par vos amis, et l'on fera mourir plusieurs d'entre vous ; - et vous serez haïs de tout le monde, à cause de mon nom. - Cependant, il ne se perdra pas un cheveu de votre tête. - C'est par votre patience que vous posséderez vos âmes (Saint Luc, ch. XXI, v. 16 à 19).

13.- (Martyre de Saint Pierre). En vérité, en vérité, je vous le dis, lorsque vous étiez plus jeune, vous vous ceigniez vous-même et vous alliez où vous vouliez ; mais lorsque vous serez vieux, vous étendrez vos mains, et un autre vous ceindra et vous mènera où vous ne voudriez pas. - Or, il disait cela pour marquer par quelle mort il devait glorifier Dieu (Saint Jean, ch. XXI, v. 18, 19).

VILLES IMPENITENTES.

14.- Alors il commença à faire des reproches aux villes dans lesquelles il avait fait beaucoup de miracles, de ce qu'elles n'avaient point fait pénitence.

Malheur à toi, Corozaïn, malheur à toi Bethsaïde, parce que, si les miracles qui ont été faits au milieu de vous avaient été faits dans Tyr et dans Sidon, il y a longtemps qu'elles auraient fait pénitence dans le sac et dans la cendre. - C'est pourquoi je vous déclare qu'au jour du jugement, Tyr et Sidon seront traitées moins rigoureusement que vous.

Et toi, Capharnaüm, t'élèveras-tu toujours jusqu'au ciel ? Tu seras abaissée jusqu'au fond de l'enfer, parce que, si les miracles qui ont été faits au milieu de toi avaient été faits dans Sodome, elle subsisterait peut-être encore aujourd'hui. - C'est pourquoi je te déclare qu'au jour du jugement, le pays de Sodome sera traité moins rigoureusement que toi (Saint Matth., ch. XI, v. de 20 à 24).

RUINE DU TEMPLE ET DE JERUSALEM.

15.- Lorsque Jésus sortit du Temple pour s'en aller, ses disciples s'approchèrent de lui pour lui faire remarquer la structure et la grandeur de cet édifice. - Mais il leur dit : Voyez-vous tous ces bâtiments ? Je vous le dis, en vérité, ils seront tellement détruits, qu'il n'y demeurera pas pierre sur pierre (Saint Matth., ch. XXIV, v. 1, 2).

16.- Etant ensuite arrivé proche de Jérusalem, et regardant la ville il pleura sur elle en disant : - Ah ! si tu reconnaissais au moins en ce jour, qui t'est encore donné, ce qui peut te procurer la paix ! Mais maintenant tout cela est caché à tes yeux. - Aussi viendra-t-il un temps, malheureux pour toi, où tes ennemis t'environneront de tranchées, où ils t'enfermeront et te serreront de toutes parts ; - ils te renverseront par terre, toi et tes enfants qui sont au milieu de toi, et ils ne te laisseront pas pierre sur pierre, parce que tu n'as pas connu le temps auquel Dieu t'a visitée (Saint Luc, ch. XIX, v. de 41 à 44).

17.- Cependant il faut que je continue à marcher aujourd'hui et demain, et le jour d'après, car il ne faut pas qu'un prophète souffre la mort ailleurs que dans Jérusalem.

Jérusalem, Jérusalem qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui sont envoyés vers toi, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses petits sous ses ailes, et tu ne l'as pas voulu. - Le temps s'approche où votre maison demeurera déserte. Or, je vous dis, en vérité, que vous ne me verrez plus désormais, jusqu'à ce que vous disiez : Bénit soit celui qui vient au nom du Seigneur (Saint Luc, ch. XIII, v. 33, 34, 35).

18.- Lorsque vous verrez une armée environner Jérusalem, sachez que sa désolation est proche. - Alors, que ceux qui sont dans la Judée s'enfuient sur les montagnes ; que ceux qui seront dans le pays d'alentour n'y entrent point. - Car ce seront alors les jours de la vengeance ; afin que tout ce qui est dans l'Ecriture soit accompli. - Malheur à celles qui seront grosses ou nourrices en ces jours-là, car ce pays sera accablé de maux, et la colère du ciel tombera sur ce peuple. - Ils passeront par le fil de l'épée ; ils seront emmenés captifs dans toutes les nations, et Jérusalem sera foulée aux pieds par les gentils, jusqu'à ce que le temps des nations soit accompli (Saint Luc, ch. XXI, v. de 20 à 24).

19.- (Jésus marchant au supplice). Or, il était suivi d'une grande multitude de peuple et de femmes qui se frappaient la poitrine et qui pleuraient. - Mais Jésus, se retournant, leur dit : Filles de Jérusalem, ne pleurez point sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes, et sur vos enfants ; - car il viendra un temps auquel on dira : Heureuses les stériles et les entrailles qui n'ont point porté d'enfants et les mamelles qui n'ont point nourri. - Ils commenceront alors à dire aux montagnes : Tombez sur nous ! et aux collines : Couvrez-nous ! - Car s'ils traitent de la sorte le bois vert, comment le bois sec sera-t-il traité ? (Saint Luc, ch. XXIII, v. de 27 à 31).

20.- La faculté de pressentir les choses futures est un des attributs de l'âme, et s'explique par la théorie de la prescience. Jésus la possédait, comme toutes les autres, à un degré éminent. Il a donc pu prévoir les événements qui suivraient sa mort, sans qu'il y ait dans ce fait rien de surnaturel, puisqu'on le voit se reproduire sous nos yeux dans les conditions les plus vulgaires. Il n'est pas rare que des individus annoncent avec précision l'instant de leur mort : c'est que leur âme, à l'état de dégagement, est comme l'homme de la montagne (Chap. XVI, n° l) ; elle embrasse la route à parcourir et en voit le terme.

21.- Il devait d'autant mieux en être ainsi de Jésus, qu'ayant conscience de la mission qu'il venait remplir, il savait que la mort par le supplice en était la conséquence nécessaire. La vue spirituelle, qui était permanente chez lui, ainsi que la pénétration de la pensée, devait lui en montrer les circonstances et l'époque fatale. Par la même raison, il pouvait prévoir la ruine du Temple, celle de Jérusalem, les malheurs qui allaient frapper ses habitants, et la dispersion des Juifs.

MALEDICTION AUX PHARISIENS.

22.- (Jean-Baptiste.) Voyant plusieurs des pharisiens et des saducéens qui venaient à son baptême, il leur dit : Race de vipères, qui vous a appris à fuir la colère qui doit tomber sur vous ? - Faites donc de dignes fruits de pénitence ; et ne pensez pas dire en vous mêmes : Nous avons Abraham pour père ; car je vous déclare que Dieu peut faire naître de ces pierres mêmes des enfants à Abraham ; - Car la cognée est déjà mise à la racine des arbres ; tout arbre, donc, qui ne produit point de bons fruits sera coupé et jeté au feu (Saint Matth., ch. III, v. 7 à 10).

23.- Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous fermez aux hommes le royaume des cieux ; car vous n'y entrerez point vous-mêmes, et vous vous opposez encore à ceux qui désirent y rentrer !

Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que, sous prétexte de vos longues prières, vous dévorez les maisons des veuves ; c'est pour cela que vous recevrez un jugement plus rigoureux !

Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous courrez la mer et la terre pour faire un prosélyte, et qu'après qu'il l'est devenu, vous le rendez digne de l'enfer deux foix plus que vous !

Malheur à vous, conducteurs aveugles qui dites : Si un homme jure par le temple, ce n'est rien ; mais quiconque jure par l'or du temple est obligé à son serment ! - Insensés et aveugles que vous êtes ! Lequel doit-on plus estimer, ou l'or ou le temple qui sanctifie l'or ? - Et si un homme, dites-vous, jure par l'autel, ce n'est rien ; mais quiconque jure par le don qui est sur l'autel est obligé à son serment. - Aveugles que vous êtes ! Lequel doit-on plus estimer, ou le don, ou l'autel qui sanctifie le don ? - Celui, donc, qui jure par l'autel, jure par l'autel et par tout ce qui est dessus ; - et quiconque jure par le temple, jure par le temple et par celui qui l'habite ; - et celui qui jure par le ciel, jure par le trône de Dieu et par celui qui y est assis.

Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui payez la dîme de la menthe, de l'aneth et du cumin, et qui avez abandonné ce qu'il y a de plus important dans la loi, savoir : la justice, la miséricorde et la foi ! C'étaient là les choses qu'il fallait pratiquer, sans néanmoins omettre les autres. - Conducteurs aveugles, qui avez grand soin de passer ce que vous buvez, de peur d'avaler un moucheron, et qui avalez un chameau !

Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous nettoyez le dehors de la coupe et du plat, et vous êtes au-dedans pleins de rapines et d'impureté ! - Pharisiens aveugles ! nettoyez premièrement le dedans de la coupe et du plat, afin que le dehors soit net aussi.

Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous êtes semblables à des sépulcres blanchis qui, au-dehors, paraissent beaux aux yeux des hommes, mais qui, au-dedans, sont pleins d'ossements de morts et de toutes sortes de pourriture ! - Ainsi, au-dehors, vous paraissez justes, mais, au-dedans, vous êtes pleins d'hypocrisie et d'iniquité.

Malheur à vous, scribes et pharisiens, qui bâtissez des tombeaux aux prophètes et ornez les monuments des justes, - et qui dites : Si nous eussions été du temps de nos pères, nous ne nous fussions pas joints à eux pour répandre le sang des prophètes ! - Achevez donc aussi de combler la mesure de vos pères. - Serpents, race de vipères, comment pourrez-vous éviter d'être condamnés à l'enfer ? - C'est pourquoi je vais vous envoyer des prophètes, des sages et des scribes, et vous tuerez les uns, vous crucifierez les autres, vous en fouetterez d'autres dans vos synagogues, et vous les persécuterez de ville en ville ; - afin que tout le sang innocent qui a été répandu sur la terre retombe sur vous, depuis le sang d'Abel le juste jusqu'au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vous avez tué entre le temple et l'autel ! - Je vous dis, en vérité, tout cela viendra fondre sur cette race qui est aujourd'hui (S. Matth., ch. XXIII, v. de 13 à 36).


MES PAROLES NE PASSERONT POINT.

24.- Alors ses disciples, s'approchant, lui dirent : Savez-vous bien que les pharisiens, ayant entendu ce que vous venez de dire, s'en sont scandalisés ? - Mais il répondit : Toute plante que mon Père céleste n'a point plantée sera arrachée. - Laissez-les ; ce sont des aveugles qui conduisent des aveugles ; si un aveugle en conduit un autre, ils tombent tous deux dans la fosse (Saint Matth., ch. XV, v. 12, 13, 14).

25.- Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point (Saint Matth., ch. XXIV, v. 35).

26.- Les paroles de Jésus ne passeront point, parce qu'elles seront vraies dans tous les temps ; son code moral sera éternel, parce qu'il renferme les conditions du bien qui conduit l'homme à sa destinée éternelle. Mais ses paroles sont-elles parvenues jusqu'à nous pures de tout alliage et de fausses interprétations ? Toutes les sectes chrétiennes en ont-elles saisi l'esprit ? Aucune n'en a-t-elle détourné le véritable sens, par suite des préjugés et de l'ignorance des lois de la nature ? Aucune ne s'en est-elle fait un instrument de domination pour servir l'ambition et les intérêts matériels, un marche-pied, non pour s'élever au ciel, mais pour s'élever sur la terre ? Toutes se sont-elles proposées pour règle de conduite la pratique des vertus dont Jésus a fait la condition expresse du salut ? Toutes sont-elles exemptes des reproches qu'il adressait aux pharisiens de son temps ? Toutes enfin, sont-elles, en théorie comme en pratique, l'expression pure de sa doctrine ?

La vérité étant une, ne peut se trouver dans des affirmations contraires, et Jésus n'a pu vouloir donner un double sens à ses paroles. Si donc les différentes sectes se contredisent ; si les unes considèrent comme vrai ce que d'autres condamnent comme des hérésies, il est impossible qu'elles soient toutes dans la vérité. Si toutes eussent pris le sens véritable de l'enseignement évangélique, elles se seraient rencontrées sur le même terrain, et il n'y aurait pas eu de sectes.

Ce qui ne passera pas, c'est le sens vrai des paroles de Jésus ; ce qui passera, c'est ce que les hommes ont bâti sur le sens faux qu'ils ont donné à ces mêmes paroles.

Jésus ayant mission d'apporter aux hommes la pensée de Dieu, sa doctrine pure peut seule être l'expression de cette pensée ; c'est pourquoi il a dit : Toute plante que mon Père céleste n'a point plantée sera arrachée.

LA PIERRE ANGULAIRE.

27.- N'avez-vous jamais lu cette parole dans les Ecritures : La pierre qui a été rejetée par ceux qui bâtissaient est devenue la principale pierre de l'angle ? C'est ce que le Seigneur a fait, et nos yeux le voient avec admiration. - C'est pourquoi je vous déclare que le royaume de Dieu vous sera ôté, et qu'il sera donné à un peuple qui en produira les fruits. - Celui qui se laissera tomber sur cette pierre s'y brisera, et elle écrasera celui sur qui elle tombera.

Les princes des prêtres et les pharisiens, ayant entendu ces paroles de Jésus, connurent que c'était d'eux qu'il parlait ; - et, voulant se saisir de lui, ils appréhendèrent le peuple, parce qu'il le regardait comme un prophète (Saint Matth., ch. XXI, v. de 42 à 46).

28.- La parole de Jésus est devenue la pierre angulaire, c'est-à-dire la pierre de consolidation du nouvel édifice de la loi, élevée sur les ruines de l'ancien ; les Juifs, les princes des prêtres et les pharisiens ayant rejeté cette parole, elle les a écrasés, comme elle écrasera ceux qui, depuis, l'ont méconnue, ou qui en ont dénaturé le sens au profit de leur ambition.

PARABOLE DES VIGNERONS HOMICIDES.

29.- Il y avait un père de famille qui, ayant planté une vigne, l'enferma d'une haie ; et creusant dans la terre, il y bâtit une tour ; puis l'ayant louée à des vignerons, il s'en alla dans un pays éloigné.

Or, le temps des fruits étant proche, il envoya ses serviteurs aux vignerons, pour recueillir le fruit de sa vigne. - Mais les vignerons, s'étant saisis de ses serviteurs, battirent l'un, tuèrent l'autre et en lapidèrent un autre. - Il leur envoya encore d'autres serviteurs en plus grand nombre que les premiers, et ils les traitèrent de même. - Enfin il leur envoya son propre fils, disant en lui-même : Ils auront quelque respect pour mon fils. - Mais les vignerons, voyant le fils, dirent entre eux : voici l'héritier ; venez, tuons-le, et nous serons maîtres de son héritage. - Ainsi s'étant saisis de lui, ils le jetèrent hors de la vigne, et le tuèrent.

Lors donc que le seigneur de la vigne sera venu, comment traitera-t-il ses vignerons ? - On lui répondit : Il fera périr misérablement ces méchants et louera sa vigne à d'autres vignerons, qui lui en rendront les fruits en leur saison (Saint Matth., ch. XXI, v. de 33 à 41).

30.- Le père de famille, c'est Dieu ; la vigne qu'il a plantée, c'est la loi qu'il a établie ; les vignerons auxquels il a loué sa vigne, ce sont les hommes qui doivent enseigner et pratiquer sa loi ; les serviteurs qu'il envoya vers eux, ce sont les prophètes qu'ils ont fait périr ; son fils, qu'il envoie enfin, c'est Jésus, qu'ils ont fait périr de même. Comment donc le Seigneur traitera-t-il ses mandataires prévaricateurs de sa loi ? Il les traitera comme ils ont traité ses envoyés, et en appellera d'autres qui lui rendront meilleur compte de son bien et de la conduite de son troupeau.

Ainsi en a-t-il été des scribes, des princes des prêtres et des pharisiens ; ainsi en sera-t-il quand il viendra de nouveau demander compte à chacun de ce qu'il a fait de sa doctrine ; il ôtera l'autorité à qui en aura abusé, car il veut que son champ soit administré selon sa volonté.

Après dix-huit siècles l'humanité, arrivée à l'âge viril, est mûre pour comprendre ce que le Christ n'a fait qu'effleurer, parce que, comme il le dit lui-même, il n'aurait pas été compris. Or, à quel résultat ont abouti ceux qui, pendant cette longue période, ont été chargés de son éducation religieuse ? A voir l'indifférence succéder à la foi, et l'incrédulité s'ériger en doctrine. A aucune autre époque, en effet, le scepticisme et l'esprit de négation ne furent plus répandus dans toutes les classes de la société.

Mais si quelques-unes des paroles du Christ sont voilées sous l'allégorie, pour tout ce qui concerne la règle de conduite, les rapports d'homme à homme, les principes de morale dont il fait la condition expresse du salut, il est clair, explicite et sans ambiguïté (Evangile selon le Spiritisme, ch. XV).

Qu'a-t-on fait de ses maximes de charité, d'amour et de tolérance ; des recommandations qu'il a faites à ses apôtres de convertir les hommes par la douceur et la persuasion ; de la simplicité, de l'humilité, du désintéressement et de toutes les vertus dont il a donné l'exemple ? En son nom, les hommes se sont jetés l'anathème et la malédiction ; ils se sont égorgés au nom de celui qui a dit : Tous les hommes sont frères. On a fait un Dieu jaloux, cruel, vindicatif et partial de celui qu'il a proclamé infiniment juste, bon et miséricordieux ; on a sacrifié à ce Dieu de paix et de vérité plus de milliers de victimes sur les bûchers, par la torture et les persécutions, que n'en ont jamais sacrifié les païens pour les faux dieux ; on a vendu les prières et les faveurs du ciel au nom de celui qui a chassé les vendeurs du Temple, et qui a dit à ses disciples : Donnez gratuitement ce que vous avez reçu gratuitement.

Que dirait le Christ, s'il vivait aujourd'hui parmi nous ? S'il voyait ses représentants ambitionner les honneurs, les richesses, le pouvoir et le faste des princes du monde, tandis que lui, plus roi que les rois de la terre, fit son entrée dans Jérusalem monté sur un âne ? Ne serait-il pas en droit de leur dire : Qu'avez-vous fait de mes enseignements, vous qui encensez le veau d'or, qui faites, dans vos prières, une large part aux riches et une maigre part aux pauvres, alors que je vous ai dit : Les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers dans le royaume des cieux ? Mais s'il n'y est pas charnellement, il y est en Esprit, et, comme le maître de la parabole, il viendra demander compte à ses vignerons du produit de sa vigne, quand le temps de la récolte sera venu.

UN SEUL TROUPEAU ET UN SEUL PASTEUR.

31.- J'ai encore d'autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie : il faut aussi que je les amène ; elles écouteront ma voix, et il n'y aura qu'un troupeau et un pasteur (Saint Jean, ch. X, v. 16).

32.- Par ces paroles, Jésus annonce clairement qu'un jour les hommes se rallieront à une croyance unique ; mais comment cette unification pourrait-elle se faire ? La chose paraît difficile, si l'on considère les différences qui existent entre les religions, l'antagonisme qu'elles entretiennent entre leurs adeptes respectifs, leur obstination à se croire en possession exclusive de la vérité. Toutes veulent bien l'unité, mais toutes se flattent qu'elle se fera à leur profit, et aucune n'entend faire de concession à ses croyances.

Cependant, l'unité se fera en religion comme elle tend à se faire socialement, politiquement, commercialement, par l'abaissement des barrières qui séparent les peuples, par l'assimilation des moeurs, des usages, du langage ; les peuples du monde entier fraternisent déjà, comme ceux des provinces d'un même empire ; on pressent cette unité, on la désire. Elle se fera par la force des choses, parce qu'elle deviendra un besoin pour resserrer les liens de fraternité entre les nations ; elle se fera par le développement de la raison humaine qui fera comprendre la puérilité de ces dissidences ; par le progrès des sciences qui démontre chaque jour les erreurs matérielles sur lesquelles elles s'appuient, et détache peu à peu les pierres vermoulues de leurs assises. Si la science démolit, dans les religions, ce qui est l'oeuvre des hommes et le fruit de leur ignorance des lois de la nature, elle ne peut détruire, malgré l'opinion de quelques-uns, ce qui est l'oeuvre de Dieu et l'éternelle vérité ; en déblayant les accessoires, elle prépare les voies de l'unité.

Pour arriver à l'unité, les religions devront se rencontrer sur un terrain neutre, cependant commun à toutes ; pour cela, toutes auront à faire des concessions et des sacrifices plus ou moins grands, selon la multiplicité de leurs dogmes particuliers. Mais, en vertu du principe d'immuabilité qu'elles professent toutes, l'initiative des concessions ne saurait venir du camp officiel ; au lieu de prendre leur point de départ d'en haut, elles le prendront d'en bas par l'initiative individuelle. Il s'opère depuis quelque temps un mouvement de décentralisation qui tend à acquérir une force irrésistible. Le principe d'immuabilité, que les religions ont considéré jusqu'ici comme une égide conservatrice, deviendra un élément destructeur, attendu que les cultes s'immobilisant, tandis que la société marche en avant, ils seront débordés, puis absorbés dans le courant des idées de progression.

L'immobilité, au lieu d'être une force, devient une cause de faiblesse et de ruine pour qui ne suit pas le mouvement général ; elle rompt l'unité, parce que ceux qui veulent aller en avant se séparent de ceux qui s'obstinent à rester en arrière.

Dans l'état actuel de l'opinion et des connaissances, la religion qui devra rallier un jour tous les hommes, sous un même drapeau, sera celle qui satisfera le mieux la raison et les légitimes aspirations du coeur et de l'esprit ; qui ne sera sur aucun point démentie par la science positive ; qui, au lieu de s'immobiliser, suivra l'humanité dans sa marche progressive sans se laisser jamais dépasser ; qui ne sera ni exclusive ni intolérante ; qui sera émancipatrice de l'intelligence en n'admettant que la foi raisonnée ; celle dont le code de morale sera le plus pur, le plus rationnel, le plus en harmonie avec les besoins sociaux, le plus propre enfin à fonder sur la terre le règne du bien, par la pratique de la charité et de la fraternité universelles.

Ce qui entretient l'antagonisme entre les religions, c'est l'idée qu'elles ont chacune leur dieu particulier, et leur prétention d'avoir le seul vrai et le plus puissant, qui est en hostilité constante avec les dieux des autres cultes, et occupé à combattre leur influence. Quand elles seront convaincues qu'il n'y a qu'un seul Dieu dans l'univers et que, en définitive, c'est le même qu'elles adorent sous les noms de Jéhovah, Allah ou Deus ; quelles seront d'accord sur les attributs essentiels, elles comprendront qu'un être unique ne peut avoir qu'une seule volonté ; elles se tendront la main comme les serviteurs d'un même Maître et les enfants d'un même Père, et elles auront fait un grand pas vers l'unité.

AVENEMENT D'ELIE.


33.- Alors, ses disciples lui demandèrent : Pourquoi donc les scribes disent-ils qu'il faut qu'Elie vienne auparavant ? - Mais Jésus leur répondit : Il est vrai qu'Elie doit venir et qu'il rétablira toutes choses.

Mais je vous le déclare qu'Elie est déjà venu, et ils ne l'ont point connu, mais ils l'ont traité comme il leur a plu. C'est ainsi qu'ils feront mourir le Fils de l'homme.

Alors, ses disciples comprirent que c'était de Jean-Baptiste qu'il leur avait parlé (Saint Matth., ch. XVII, v. de 10 à 13).

34.- Elie était déjà revenu dans la personne de Jean-Baptiste. Son nouvel avènement est annoncé d'une manière explicite ; or, comme il ne peut revenir qu'avec un corps nouveau, c'est la consécration formelle du principe de la pluralité des existences (Evangile selon le Spiritisme, ch. IV, n° 10).

ANNONCE DU CONSOLATEUR.

35.- Si vous m'aimez, gardez mes commandements, - et je prierai mon Père, il vous enverra un autre Consolateur, afin qu'il demeure éternellement avec vous : - l'Esprit de Vérité, que ce monde ne peut recevoir, parce qu'il ne le voit point ; mais pour vous, vous le connaîtrez, parce qu'il demeurera avec vous, et qu'il sera en vous. - Mais le Consolateur, qui est le Saint-Esprit, que mon Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit (Saint Jean, ch. XIV, v. 15, 16, 17, 26. - Evangile selon le Spiritisme, ch. VI).

36.- Cependant je vous dis la vérité : Il vous est utile que je m'en aille ; car si je ne m'en vais point, le Consolateur ne viendra pas à vous ; mais je m'en vais, et je vous l'enverrai, - et, lorsqu'il sera venu, il convaincra le monde touchant le péché, touchant la justice et touchant le jugement : - touchant le péché, parce qu'ils n'ont pas cru en moi ; - touchant la justice, parce que je m'en vais à mon Père et que vous ne me verrez plus ; touchant le jugement, parce que le prince de ce monde est déjà jugé.

J'ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter présentement.

Quand cet Esprit de Vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité, car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu'il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir.

Il me glorifiera, parce qu'il recevra de ce qui est à moi, et il vous l'annoncera. (Saint Jean, ch. XVI, v. de 7 à 14).

37.- Cette prédiction est, sans contredit, l'une des plus importantes au point de vue religieux, car elle constate de la manière la moins équivoque que Jésus n'a pas dit tout ce qu'il y avait à dire, parce qu'il n'aurait pas été compris, même de ses apôtres, puisque c'est à eux qu'il s'adresse. S'il leur eût donné des instructions secrètes, ils en auraient fait mention dans l'Evangile. Dès lors qu'il n'a pas tout dit à ses apôtres, leurs successeurs n'ont pu en savoir plus qu'eux ; ils ont donc pu se méprendre sur le sens de ses paroles, donner une fausse interprétation à ses pensées, souvent voilées sous la forme parabolique. Les religions fondées sur l'Evangile ne peuvent donc se dire en possession de toute la vérité, puisqu'il s'est réservé de compléter ultérieurement ses instructions. Leur principe d'immuabilité est un démenti donné aux paroles mêmes de Jésus.

Il annonce sous le nom de Consolateur et d'Esprit de Vérité celui qui doit enseigner toutes choses et faire ressouvenir de ce qu'il a dit : donc son enseignement n'était pas complet ; de plus, il prévoit qu'on aura oublié ce qu'il a dit, et qu'on l'aura dénaturé, puisque l'Esprit de Vérité doit en faire ressouvenir, et, de concert avec Elie, rétablir toutes choses, c'est-à-dire selon la véritable pensée de Jésus.

38.- Quand ce nouveau révélateur doit-il venir ? Il est bien évident que si, à l'époque où parlait Jésus, les hommes n'étaient pas en état de comprendre les choses qui lui restaient à dire, ce n'est pas en quelques années qu'ils pouvaient acquérir les lumières nécessaires. Pour l'intelligence de certaine partie de l'Evangile, à l'exception des préceptes de morale, il fallait des connaissances que le progrès des sciences pouvait seul donner, et qui devaient être l'oeuvre du temps et de plusieurs générations. Si donc le nouveau Messie fût venu peu de temps après le Christ, il aurait trouvé le terrain tout aussi peu propice, et il n'eût pas fait plus que lui. Or, depuis le Christ jusqu'à nos jours, il ne s'est produit aucune grande révélation qui ait complété l'Evangile, et qui en ait élucidé les parties obscures, indice certain que l'Envoyé n'avait pas encore paru.

39.- Quel doit être cet Envoyé ? Jésus disant : « Je prierai mon Père, et il vous enverra un autre Consolateur, » indique clairement que ce n'est pas lui-même, autrement il aurait dit : « Je reviendrai compléter ce que je vous ai enseigné. » Puis il ajoute : Afin qu'il demeure éternellement avec vous, et il sera en vous. Ceci ne saurait s'entendre d'une individualité incarnée qui ne peut demeurer éternellement avec nous, et encore moins être en nous, mais se comprend très bien d'une doctrine qui, en effet, lorqu'on se l'est assimilée, peut être éternellement en nous. Le Consolateur est donc, dans la pensée de Jésus, la personnification d'une doctrine souverainement consolante, dont l'inspirateur doit être l'Esprit de Vérité.

40.- Le Spiritisme réalise, comme cela a été démontré (chap. I, n° 30), toutes les conditions du Consolateur promis par Jésus. Ce n'est point une doctrine individuelle, une conception humaine ; personne ne peut s'en dire le créateur. C'est le produit de l'enseignement collectif des Esprits auquel préside l'Esprit de Vérité. Il ne supprime rien de l'Evangile : il le complète et l'élucide ; à l'aide des nouvelles lois qu'il révèle, jointes à celles de la science, il fait comprendre ce qui était inintelligible, admettre la possibilité de ce que l'incrédulité regardait comme inadmissible. Il a eu ses précurseurs et ses prophètes, qui ont pressenti sa venue. Par sa puissance moralisatrice, il prépare le règne du bien sur la terre.

La doctrine de Moïse, incomplète, est restée circonscrite dans le peuple juif ; celle de Jésus, plus complète, s'est répandue sur toute la terre par le christianisme, mais n'a pas converti tout le monde ; le Spiritisme, plus complet encore, ayant des racines dans toutes les croyances, convertira l'humanité[1].

41.- Jésus disant à ses apôtres : « Un autre viendra plus tard, qui vous enseignera ce que je ne puis vous dire maintenant, » proclamait par cela même la nécessité de la réincarnation. Comment ces hommes pouvaient-ils profiter de l'enseignement plus complet qui devait être donné ultérieurement ; comment seraient-ils plus aptes à le comprendre, s'ils ne devaient pas revivre ? Jésus eût dit une inconséquence si les hommes futurs devaient, selon la doctrine vulgaire, être des hommes nouveaux, des âmes sorties du néant à leur naissance. Admettez, au contraire, que les apôtres, et les hommes de leur temps, ont vécu depuis ; qu'ils revivent encore aujourd'hui, la promesse de Jésus se trouve justifiée ; leur intelligence, qui a dû se développer au contact du progrès social, peut porter maintenant ce qu'elle ne pouvait porter alors. Sans la réincarnation, la promesse de Jésus eût été illusoire.

42.- Si l'on disait que cette promesse fut réalisée le jour de la Pentecôte par la descente du Saint-Esprit, on répondrait que le Saint-Esprit les a inspirés, qu'il a pu ouvrir leur intelligence, développer en eux les aptitudes médianimiques qui devaient faciliter leur mission, mais qu'il ne leur a rien appris de plus que ce qu'avait enseigné Jésus, car on ne trouve nulle trace d'un enseignement spécial. Le Saint-Esprit n'a donc point réalisé ce que Jésus avait annoncé du Consolateur : autrement les apôtres auraient élucidé, dès leur vivant, tout ce qui est resté obscur dans l'Evangile jusqu'à ce jour, et dont l'interprétation contradictoire a donné lieu aux innombrables sectes qui ont divisé le christianisme dès les premiers siècles.


SECOND AVENEMENT DU CHRIST.

43.- Alors Jésus dit à ses disciples : Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive ; - car celui qui voudra sauver sa vie la perdra et celui qui perdra sa vie pour l'amour de moi la retrouvera.

Et que servirait-il à un homme de gagner tout le monde, et de perdre son âme ? Ou par quel échange l'homme pourra-t-il racheter son âme, après qu'il l'aura perdue ? - Car le Fils de l'homme doit venir dans la gloire de son Père avec ses anges, et alors il rendra à chacun selon ses oeuvres.

Je vous dis, en vérité, il y en a quelques-uns de ceux qui sont ici qui n'éprouveront pas la mort qu'ils n'aient vu le Fils de l'homme venir en son règne (Saint Matth., ch. XVI, v. de 24 à 28).

44.- Alors le grand prêtre, se levant au milieu de l'assemblée, interrogea Jésus et lui dit : Vous ne répondez rien à ce que ceux-ci déposent contre vous ? - Mais Jésus demeurait dans le silence et ne répondit rien. Le grand prêtre l'interrogea encore et lui dit : Etes-vous le Christ, le Fils de Dieu béni à jamais ? - Jésus lui répondit : Je le suis, et vous verrez un jour le Fils de l'homme assis à la droite de la majesté de Dieu, et venant sur les nuées du ciel.

Aussitôt le grand prêtre, déchirant ses vêtements, leur dit : Qu'avons-nous plus besoin de témoins ? (Saint Marc, ch. XIV, v. de 60 à 63).

45.- Jésus annonce son second avènement, mais il ne dit point qu'il reviendra sur la terre avec un corps charnel, ni que le Consolateur sera personnifié en lui. Il se présente comme devant venir en Esprit, dans la gloire de son Père, juger le mérite et le démérite, et rendre à chacun selon ses oeuvres quand les temps seront accomplis.

Cette parole : « Il y en a quelques-uns de ceux qui sont ici qui n'éprouveront pas la mort qu'ils n'aient vu le Fils de l'homme venir en son règne, » semble une contradiction, puisqu'il est certain qu'il n'est venu du vivant d'aucun de ceux qui étaient présents. Jésus ne pouvait cependant se tromper dans une prévision de cette nature, et surtout pour une chose contemporaine qui le concernait personnellement ; il faut d'abord se demander si ses paroles ont toujours été bien fidèlement rendues. On peut en douter, si l'on songe qu'ils n'ont rien écrit ; qu'elles n'ont été recueillies qu'après sa mort ; et lorsqu'on voit le même discours presque toujours reproduit en termes différents dans chaque évangéliste, c'est une preuve évidente que ce ne sont pas les expressions textuelles de Jésus. Il est, en outre, probable que le sens a dû parfois être altéré en passant par des traductions successives.

D'un autre côté, il est certain que, si Jésus avait dit tout ce qu'il aurait pu dire, il se serait exprimé sur toutes choses d'une manière nette et précise qui n'eût donné lieu à aucune équivoque, comme il le fait pour les principes de morale, tandis qu'il a dû voiler sa pensée sur les sujets qu'il n'a pas jugé à propos d'approfondir. Les apôtres, persuadés que la génération présente devait être témoin de ce qu'il annonçait, ont dû interpréter la pensée de Jésus selon leur idée ; ils ont pu, par conséquent, la rédiger dans le sens du présent d'une manière plus absolue qu'il ne l'a peut-être fait lui-même. Quoi qu'il en soit, le fait est là qui prouve que les choses ne sont pas arrivées ainsi qu'ils l'ont cru.

46.- Un point capital que Jésus n'a pu développer, parce que les hommes de son temps n'étaient pas suffisamment préparés à cet ordre d'idées et à ses conséquences, mais dont il a cependant posé le principe, comme il l'a fait pour toutes choses, c'est la grande et importante loi de la réincarnation. Cette loi, étudiée et mise en lumière de nos jours par le Spiritisme, est la clef de maints passages de l'Evangile qui, sans cela, paraissent des contre-sens.

C'est dans cette loi qu'on peut trouver l'explication rationnelle des paroles ci-dessus, en les admettant comme textuelles. Puisqu'elles ne peuvent s'appliquer à la personne des apôtres, il est évident qu'elles se rapportent au règne futur du Christ, c'est-à-dire au temps où sa doctrine, mieux comprise, sera la loi universelle. En leur disant que quelques-uns de ceux qui sont présents verront son avènement, cela ne pouvait s'entendre que dans le sens qu'ils revivraient à cette époque. Mais les Juifs se figuraient qu'ils allaient voir tout ce que Jésus annonçait, et prenaient ses allégories à la lettre.

Du reste, quelques-unes de ses prédictions se sont accomplies de leur temps, telles que la ruine de Jérusalem, les malheurs qui en furent la suite, et la dispersion des Juifs ; mais Jésus porte sa vue plus loin, et en parlant du présent, il fait constamment allusion à l'avenir.

SIGNES PRECURSEURS.

47.- Vous entendrez aussi parler de guerres et de bruits de guerres ; mais gardez-vous bien de vous troubler, car il faut que ces choses arrivent ; mais ce ne sera pas encore la fin, - car on verra se soulever peuple contre peuple et royaume contre royaume ; et il y aura des pestes, des famines et des tremblements de terre en divers lieux, - et toutes ces choses ne seront que le commencement des douleurs (Saint Matth., ch. XXIV, v. 6, 7, 8).

48.- Alors le frère livrera le frère à la mort, et le père le fils ; les enfants s'élèveront contre leurs pères et leurs mères, et les feront mourir. - Et vous serez haïs de tout le monde à cause de mon nom ; mais celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé (Saint Marc, ch. XIII, v. 12, 13).

49.- Quand vous verrez que l'abomination de la désolation, qui a été prédite par le prophète Daniel, sera dans le lieu saint (que celui qui lit entende bien ce qu'il lit) ; - Alors, que ceux qui seront dans la Judée s'enfuient sur les montagnes[2] ; - Que celui qui est au haut du toit n'en descende point pour emporter quelque chose de sa maison ; - Et que celui qui sera dans le champ ne retourne point pour prendre ses vêtements. - Mais malheur aux femmes qui seront grosses ou nourrices en ces jours-là. - Priez donc Dieu que votre fuite n'arrive point durant l'hiver ni au jour du sabbat, car l'affliction de ce temps-là - sera si grande, qu'il n'y en a point eu de pareille depuis le commencement du monde jusqu'à présent, et qu'il n'y en aura jamais. - Et si ces jours n'avaient été abrégés, nul homme n'aurait été sauvé, mais ces jours seront abrégés en faveur des élus (Saint Matth., ch. XXIV, v. 15 à 22).


50.- Aussitôt après ces jours d'affliction, le soleil s'obscurcira, et la lune ne donnera plus sa lumière ; les étoiles tomberont du ciel, et les puissances des cieux seront ébranlées.

Alors, le signe du Fils de l'homme paraîtra dans le ciel, et tous les peuples de la terre seront dans les pleurs et dans les gémissements ; et ils verront le Fils de l'homme qui viendra sur les nuées du ciel avec une grande majesté.

Et il enverra ses anges, qui feront entendre la voix éclatante de leurs trompettes, et qui rassembleront ses élus des quatre coins du monde, depuis une extrémité du ciel jusqu'à l'autre.

Apprenez une comparaison tirée du figuier. Quand ses branches sont déjà tendres, et qu'il pousse des feuilles, vous savez que l'été est proche. - De même, lorsque vous verrez toutes ces choses, sachez que le Fils de l'homme est proche, et qu'il est comme à la porte.

Je vous dis, en vérité, que cette race ne passera point que toutes ces choses ne soient accomplies (Saint Matth., ch. XXIV, v. de 29 à 34).

Et il arrivera à l'avènement du Fils de l'homme ce qui arriva au temps de Moïse, - car, comme dans les derniers temps avant le déluge, les hommes mangeaient et buvaient, se mariaient et mariaient leurs enfants, jusqu'au jour où Noé entra dans l'arche ; - et qu'ils ne connurent pas le moment du déluge que lorsqu'il survint et emporta tout le monde, il en sera de même à l'avènement du Fils de l'homme (Saint Matth., ch. XXIV, v. 37, 38).

51.- Quant à ce jour-là ou à cette heure, nul ne le sait, ni les anges qui sont dans le ciel, ni le Fils, mais le Père seul (Saint Marc, ch. XIII, v. 32).

52.- En vérité, en vérité, je vous le dis, vous pleurerez et vous gémirez, et le monde se réjouira ; vous serez dans la tristesse, mais votre tristesse se changera en joie. - Une femme, lorsqu'elle enfante, est dans la douleur, parce que son heure est venue ; mais après qu'elle a enfanté un fils, elle ne se souvient plus le ses maux, dans la joie qu'elle a d'avoir mis un homme au monde. - C'est ainsi que vous êtes maintenant dans la tristesse ; mais je vous verrai de nouveau, et votre coeur se réjouira, et personne ne vous ravira votre joie (Saint Matth., ch. XVI, v. 20, 21, 22).

53.- Il 's'élèvera plusieurs faux prophètes qui séduiront beaucoup de personnes ; - et parce que l'iniquité abondera, la charité de plusieurs se refroidira ; - mais celui-là sera sauvé qui persévérera jusqu'à la fin. - Et cet Evangile du royaume sera prêché dans toute la terre pour servir de témoignage à toutes les nations, et c'est alors que la fin arrivera (Saint Matth., ch. XXIV, v. de 11 à 14).

54.- Ce tableau de la fin des temps est évidemment allégorique, comme la plupart de ceux que présentait Jésus. Les images qu'il contient sont de nature, par leur énergie, à impressionner des intelligences encore frustes. Pour frapper ces imaginations peu subtiles, il fallait des peintures vigoureuses, aux couleurs tranchées. Jésus s'adressait surtout au peuple, aux hommes les moins éclairés, incapables de comprendre les abstractions métaphysiques, et de saisir la délicatesse des formes. Pour arriver au coeur, il fallait parler aux yeux à l'aide de signes matériels, et aux oreilles par la vigueur du langage.

Par une conséquence naturelle de cette disposition d'esprit, la puissance suprême ne pouvait, selon la croyance d'alors, se manifester que par des choses extraordinaires, surnaturelles ; plus elles étaient impossibles, mieux elles étaient acceptées comme probables.

Le Fils de l'homme venant sur les nuées du ciel, avec une grande majesté, entouré de ses anges et au bruit des trompettes, leur semblait bien autrement imposant qu'un être investi de la seule puissance morale. Aussi les Juifs, qui attendaient dans le Messie un roi de la terre, puissant entre tous les rois, pour mettre leur nation au premier rang, et relever le trône de David et de Salomon, ne voulurent-ils pas le reconnaître dans l'humble fils du charpentier, sans autorité matérielle.

Cependant ce pauvre prolétaire de la Judée est devenu le plus grand entre les grands ; il a conquis à sa souveraineté plus de royaumes que les plus puissants potentats ; avec sa seule parole et quelques misérables pêcheurs, il a révolutionné le monde, et c'est à lui que les Juifs devront leur réhabilitation. Il était donc dans le vrai, quand, à cette question de Pilate : « Etes-vous roi ? » il répondit : « Vous le dites ».

55.- Il est à remarquer que, chez les Anciens, les tremblements de terre et l'obscurcissement du soleil étaient les accessoires obligés de tous les événements et de tous les présages sinistres ; on les retrouve à la mort de Jésus, à celle de César et dans une foule de circonstances de l'histoire du paganisme. Si ces phénomènes se fussent produits aussi souvent qu'on le raconte, il paraîtrait impossible que les hommes n'en eussent pas conservé la mémoire par la tradition. Ici on ajoute les étoiles qui tombent du ciel, comme pour témoigner aux générations futures plus éclairées qu'il ne s'agit que d'une fiction, puisqu'on sait maintenant que les étoiles ne peuvent tomber.

56.- Cependant, sous ces allégories se cachent de grandes vérités. C'est, d'abord, l'annonce des calamités de tout genre qui frapperont l'humanité et la décimeront ; calamités engendrées par la lutte suprême entre le bien et le mal, la foi et l'incrédulité, les idées progressives et les idées rétrogrades. Secondement, celle de la diffusion, par toute la terre, de l'Evangile rétabli dans sa pureté primitive ; puis, le règne du bien, qui sera celui de la paix et de la fraternité universelle, sortira du code de morale évangélique mis en pratique par tous les peuples. Ce sera véritablement le règne de Jésus, puisqu'il présidera à son établissement, et que les hommes vivront sous l'égide de sa loi ; règne de bonheur, car, dit-il, « après les jours d'affliction viendront les jours de joie ».

57.- Quand s'accompliront ces choses ? « Nul ne le sait, dit Jésus, pas même le Fils ; » mais quand le moment sera venu, les hommes en seront avertis par des indices précurseurs. Ces indices ne seront ni dans le soleil, ni dans les étoiles, mais dans l'état social et dans des phénomènes plus moraux que physiques, et que l'on peut en partie déduire de ses allusions.

Il est bien certain que ce changement ne pouvait s'opérer du vivant des apôtres, autrement Jésus n'aurait pu l'ignorer, et d'ailleurs une telle transformation ne pouvait s'accomplir en quelques années. Cependant il leur parle comme s'ils devaient en être témoins ; c'est qu'en effet, ils pourront revivre à cette époque et travailler eux-mêmes à la transformation. Tantôt il parle du sort prochain de Jérusalem, et tantôt il prend ce fait comme point de comparaison pour l'avenir.

58.- Est-ce la fin du monde que Jésus annonce par sa nouvelle venue, et quand il dit : Lorsque l'Evangile sera prêché par toute la terre, c'est alors que la fin arrivera ?

Il n'est pas rationnel de supposer que Dieu détruise le monde précisément au moment où il entrera dans la voie du progrès moral par la pratique des enseignements évangéliques ; rien, d'ailleurs, dans les paroles du Christ, n'indique une destruction universelle, qui, dans de telles conditions, ne serait pas justifiée.

La pratique générale de l'Evangile, devant amener une amélioration dans l'état moral des hommes, amènera, par cela même, le règne du bien et entraînera la chute de celui du mal. C'est donc à la fin du vieux monde, du monde gouverné par les préjugés, l'orgueil, l'égoïsme, le fanatisme, l'incrédulité, la cupidité et toutes les mauvaises passions que le Christ fait allusion quand il dit : « Lorsque l'Evangile sera prêché par toute la terre, c'est alors que la fin arrivera ; » mais cette fin amènera une lutte, et c'est de cette lutte que sortiront les maux qu'il prévoit.

VOS FILS ET VOS FILLES PROPHETISERONT.

59.- Dans les derniers temps, dit le Seigneur, je répandrai de mon esprit sur toute chair ; vos fils et vos filles prophétiseront ; vos jeunes gens auront des visions, et vos vieillards auront des songes. - En ces jours-là, je répandrai de mon esprit sur mes serviteurs et sur mes servantes, et ils prophétiseront (Actes, ch. II, v. 17, 18. - Joël, ch. II, v. 28, 29).

60.- Si l'on considère l'état actuel du monde physique et du monde moral, les tendances, les aspirations, les pressentiments des masses, la décadence des vieilles idées qui se débattent en vain depuis un siècle contre les idées nouvelles, on ne peut douter qu'un nouvel ordre de choses se prépare, et que le vieux monde touche à sa fin.

Si, maintenant, en faisant la part de la forme allégorique de certains tableaux, et en scrutant le sens intime des paroles de Jésus, on compare la situation actuelle avec les temps décrits par lui, comme devant marquer l'ère de la rénovation, on ne peut disconvenir que plusieurs de ses prédictions reçoivent aujourd'hui leur accomplissement ; d'où il faut conclure que nous touchons aux temps annoncés, ce que confirment sur tous les points du globe les Esprits qui se manifestent.

61.- Ainsi qu'on l'a vu (Chap. 1, n° 32) l'avènement du Spiritisme, coïncidant avec d'autres circonstances, réalise une des plus importantes prédictions de Jésus, par l'influence qu'il doit forcément exercer sur les idées. Il est, en outre, clairement annoncé, dans celle qui est rapportée aux Actes des apôtres : « Dans les derniers temps, dit le Seigneur, je répandrai de mon Esprit sur toute chair : vos fils et vos filles prophétiseront ».

C'est l'annonce non équivoque de la vulgarisation de la médiumnité, qui se révèle de nos jours chez les individus de tout âge, de tout sexe et de toutes conditions, et, par suite, de la manifestation universelle des Esprits, car sans les Esprits il n'y aurait pas de médiums. Cela, est-il dit : arrivera dans les derniers temps ; or, puisque nous ne touchons pas à la fin du monde, mais au contraire à sa régénération, il faut entendre par ces mots les derniers temps du monde moral qui finit (Evangile selon le Spiritisme, ch. XXI).

JUGEMENT DERNIER.

62.- Or, quand le Fils de l'homme viendra dans sa majesté accompagné de tous les anges, il s'assoira sur le trône de sa gloire ; - et toutes les nations étant assemblées devant lui, il séparera les uns d'avec les autres, comme un berger sépare les brebis d'avec les boucs, et il placera les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche. - Alors le Roi dira à ceux qui sont à sa droite : Venez, vous, qui avez été bénis par mon Père, etc. (Saint Matth., ch. XXV, v. de 31 à 46. - Evangile selon le Spiritisme, ch. XV).

63.- Le bien devant régner sur la terre, il faut que les Esprits endurcis dans le mal et qui pourraient y porter le trouble en soient exclus. Dieu les y a laissés le temps nécessaire à leur amélioration ; mais le moment où le globe doit s'élever dans la hiérarchie des mondes, par le progrès moral de ses habitants, étant arrivé, le séjour, comme Esprits et comme Incarnés, en sera interdit à ceux qui n'auront pas profité des instructions qu'ils ont été à même d'y recevoir. Ils seront exilés dans des mondes inférieurs, comme le furent jadis sur la terre ceux de la race adamique, tandis qu'ils seront remplacés par des Esprits meilleurs. C'est cette séparation à laquelle présidera Jésus, qui est figurée par ces paroles du jugement dernier : « Les bons passeront à ma droite, et les méchants à ma gauche. » (Chap. XI, n° 31 et suivants).

64.- La doctrine d'un jugement dernier, unique et universel, mettant à tout jamais fin à l'humanité, répugne à la raison, en ce sens qu'elle impliquerait l'inactivité de Dieu pendant l'éternité qui a précédé à la création de la terre, et l'éternité qui suivra sa destruction. On se demande de quelle utilité serait alors le soleil, la lune et les étoiles, qui, selon la Genèse ont été faits pour éclairer notre monde. On s'étonne qu'une oeuvre aussi immense ait été faite pour si peu de temps et au profit d'êtres dont la majeure partie était vouée d'avance aux supplices éternels.

65.- Matériellement, l'idée d'un jugement unique était, jusqu'à un certain point, admissible pour ceux qui ne cherchent pas la raison des choses, alors que l'on croyait toute l'humanité concentrée sur la terre, et que tout, dans l'univers, avait été fait pour ses habitants : elle est inadmissible depuis que l'on sait qu'il y a des milliards de mondes semblables qui perpétuent les humanités pendant l'éternité, et parmi lesquels la terre est un point imperceptible des moins considérables.

On voit par ce seul fait que Jésus avait raison de dire à ses disciples : « Il y a beaucoup de choses que je ne puis vous dire, parce que vous ne les comprendriez pas, » puisque le progrès des sciences était indispensable pour une saine interprétation de quelques-unes de ses paroles. Assurément les apôtres, saint Paul et les premiers disciples, auraient établi tout autrement certains dogmes s'ils avaient eu les connaissances astronomiques, géologiques, physiques, chimiques, physiologiques et psychologiques que l'on possède aujourd'hui. Aussi Jésus a-t-il ajourné le complément de ses instructions, et annoncé que toutes choses devaient être rétablies.

66.- Moralement, un jugement définitif et sans appel est inconciliable avec la bonté intime du Créateur, que Jésus nous présente sans cesse comme un bon Père laissant toujours une voie ouverte au repentir et prêt à tendre ses bras à l'enfant prodigue. Si Jésus avait entendu le jugement en ce sens, il aurait démenti ses propres paroles.

Et puis, si le jugement final doit surprendre les hommes à l'improviste, au milieu de leurs travaux ordinaires, et les femmes enceintes, on se demande dans quel but Dieu, qui ne fait rien d'inutile ni d'injuste, ferait naître des enfants et créerait des âmes nouvelles à ce moment suprême, au terme fatal de l'humanité, pour les faire passer en jugement au sortir du sein de la mère, avant qu'elles aient la conscience d'elles-mêmes, alors que d'autres ont eu des milliers d'années pour se reconnaître ? De quel côté, à droite ou à gauche, passeront ces âmes qui ne sont encore ni bonnes ni mauvaises, et à qui toute voie ultérieure de progrès est désormais fermée, puisque l'humanité n'existera plus ? (Chap. II, n° 19).

Que ceux dont la raison se contente de pareilles croyances les conservent c'est leur droit, et personne n'y trouve à redire ; mais qu'on ne trouve pas mauvais non plus que tout le monde ne soit pas de leur avis.

67.- Le jugement, par voie d'émigration, tel qu'il a été défini ci-dessus (63), est rationnel ; il est fondé sur la plus rigoureuse justice, attendu qu'il laisse éternellement à l'Esprit son libre arbitre ; qu'il ne constitue de privilège pour personne ; qu'une égale latitude est donnée par Dieu à toutes ses créatures, sans exception, pour progresser ; que l'anéantissement même d'un monde, entraînant la destruction du corps, n'apporterait aucune interruption à la marche progressive de l'esprit. Telle est la conséquence de la pluralité des mondes et de la pluralité des existences.

Selon cette interprétation, la qualification de jugement dernier n'est pas exacte, puisque les Esprits passent par de semblables assises à chaque rénovation des mondes qu'ils habitent jusqu'à ce qu'ils aient atteint un certain degré de perfection. Il n'y a donc point, à proprement parler, de jugement dernier, mais il y a des jugements généraux à toutes les époques de rénovation partielle ou totale de la population des mondes, par suite desquelles s'opèrent les grandes émigrations et immigrations d'Esprits.




[1]Toutes les doctrines philosophiques et religieuses portent le nom de l'individualité fondatrice ; on dit : le Mosaïsme, le Christianisme, le Mahométisme, le Bouddhisme, le Cartésianisme, le Fouriérisme, le Saint-Simonisme, etc. Le mot Spiritisme, au contraire, ne rappelle aucune personnalité ; il renferme une idée générale, qui indique à la fois le caractère et la source multiple de la doctrine.


[2]Cette expression : l'abomination de la désolation, non seulement n'a pas de sens, mais elle prête au ridicule. La traduction d'Ostervald dit : « L'abomination qui Cause la désolation, » ce qui est très différent ; le sens alors devient parfaitement clair, car on comprend que les abominations doivent amener la désolation comme châtiment. Quand, dit Jésus, l'abomination viendra dans le lieu saint, la désolation y viendra aussi, et ce sera un signe que les temps sont proches.

Articles connexes

Voir articles connexes