LA GENÈSE, LES MIRACLES ET LES PRÉDICTIONS SELON LE SPIRITISME

Allan Kardec

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DE LA NATURE DIVINE

8.- Il n'est pas donné à l'homme de sonder la nature intime de Dieu. Pour comprendre Dieu, il nous manque encore le sens qui ne s'acquiert que par la complète épuration de l'Esprit. Mais si l'homme ne peut pénétrer son essence, son existence étant donnée comme prémisses, il peut, par le raisonnement, arriver à la connaissance de ses attributs nécessaires ; car, en voyant ce qu'il ne peut point ne pas être sans cesser d'être Dieu, il en conclut ce qu'il doit être.

Sans la connaissance des attributs de Dieu, il serait impossible de comprendre l'oeuvre de la création ; c'est le point de départ de toutes les croyances religieuses, et c'est faute de s'y être reportées, comme au phare qui pouvait les diriger, que la plupart des religions ont erré dans leurs dogmes. Celles qui n'ont pas attribué à Dieu la toute-puissance ont imaginé plusieurs dieux ; celles qui ne lui ont pas attribué la souveraine bonté en ont fait un dieu jaloux, colère, partial et vindicatif.

9.- Dieu est la suprême et souveraine intelligence. L'intelligence de l'homme est bornée, puisqu'il ne peut ni faire ni comprendre tout ce existe ; celle de Dieu, embrassant l'infini, doit être infinie. Si on supposait bornée sur un point quelconque, on pourrait concevoir un être encore plus intelligent, capable de comprendre et de faire ce que l'autre ne ferait pas, et ainsi de suite jusqu'à l'infini.

10.- Dieu est éternel, c'est-à-dire qu'il n'a point eu de commencement et n'aura point de fin. S'il avait eu un commencement, c'est qu'il serait sorti du néant ; or, le néant n'étant rien, ne peut rien produire ; ou bien il aurait été créé par un autre être antérieur, et alors c'est cet être qui serait Dieu. Si on lui supposait un commencement ou une fin, on pourrait donc concevoir un être ayant existé avant lui, ou pouvant exister après lui, et ainsi de suite jusqu'à l'infini.

11.- Dieu est immuable. S'il était sujet à des changements, les lois qui régissent l'univers n'auraient aucune stabilité.

12.- Dieu est immatériel, c'est-à-dire que sa nature diffère de tout ce que nous appelons matière ; autrement il ne serait pas immuable, car il serait sujet aux transformations de la matière.

Dieu n'a pas de forme appréciable à nos sens, sans cela il serait matière. Nous disons : la main de Dieu, l'oeil de Dieu, la bouche de Dieu, parce que l'homme, ne connaissant que lui, se prend pour terme de comparaison de tout ce qu'il ne comprend pas. Ces images où l'on représente Dieu sous la figure d'un vieillard à longue barbe, couvert d'un manteau, sont ridicules ; elles ont l'inconvénient de rabaisser l'Etre suprême aux mesquines proportions de l'humanité ; de là à lui prêter les passions de l'humanité, à en faire un Dieu colère et jaloux, il n'y a qu'un pas.

13.- Dieu est tout-puissant. S'il n'avait pas la suprême puissance, on pourrait concevoir un être plus puissant, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on trouvât l'être qu'aucun autre ne pourrait surpasser en puissance, et c'est celui-là qui serait Dieu.

14.- Dieu est souverainement juste et bon. La sagesse providentielle des lois divines se révèle dans les plus petites choses comme dans les plus grandes, et cette sagesse ne permet de douter ni de sa justice ni de sa bonté.

L'infini d'une qualité exclut la possibilité de l'existence d'une qualité contraire qui l'amoindrirait ou l'annulerait. Un être infiniment bon ne saurait avoir la plus petite parcelle de méchanceté, ni l'être infiniment mauvais avoir la plus petite parcelle de bonté ; de même qu'un objet ne saurait être d'un noir absolu avec la plus légère nuance de blanc, ni d'un blanc absolu avec la plus petite tache de noir.

Dieu ne saurait donc être à la fois bon et mauvais, car alors, ne possédant ni l'une ni l'autre de ces qualités au suprême degré, il ne serait pas Dieu ; toutes choses seraient soumises au caprice, et il n'y aurait de stabilité pour rien. Il ne pourrait donc être qu'infiniment bon ou infiniment mauvais ; or, comme ses oeuvres de sa sagesse, de sa bonté et de sa sollicitude, il en faut conclure que, ne pouvant être à la fois bon et mauvais sans cesser d'être Dieu, il doit être infiniment bon.

La souveraine bonté implique la souveraine justice ; car s'il s'agissait injustement ou avec partialité dans une seule circonstance, ou à l'égard d'une seule de ses créatures, il ne serait pas souverainement juste, et par conséquent ne serait pas souverainement bon.

15.- Dieu est infiniment parfait. Il est impossible de concevoir Dieu sans l'infini des perfections, sans quoi il ne serait pas Dieu, car on pourrait toujours concevoir un être possédant ce qui lui manquerait. Pour qu'aucun être ne puisse le surpasser, il faut qu'il soit infini en tout.

Les attributs de Dieu, étant infinis, ne sont susceptibles ni d'augmentation ni de diminution, sans cela ils ne seraient pas infinis et Dieu ne serait pas parfait. Si l'on ôtait la plus petite parcelle d'un seul de ses attributs, on n'aurait plus Dieu, puisqu'il pourrait exister un être plus parfait.

16.- Dieu est unique. L'unicité de Dieu est la conséquence de l'infini absolu des perfections. Un autre Dieu ne pourrait exister qu'à la condition d'être également infini en toutes choses ; car s'il y avait entre eux la plus légère différence, l'un serait inférieur à l'autre, subordonné à sa puissance, et ne serait pas Dieu. S'il y avait entre eux égalité absolue, ce serait de toute éternité une même pensée, une même volonté, une même puissance ; ainsi confondus dans leur identité, ce ne serait en réalité qu'un seul Dieu. S'ils avaient chacun des attributions spéciales, l'un ferait ce que l'autre ne ferait pas, et alors il n'y aurait pas entre eux égalité parfaite, puisque ni l'un ni l'autre n'aurait la souveraine autorité.

17.- C'est l'ignorance du principe de l'infini des perfections de Dieu qui a engendré le polythéisme, culte de tous les peuples primitifs ; ils ont attribué la divinité à toute puissance qui leur a semblé au-dessus de l'humanité ; plus tard, la raison les a conduits à confondre ces diverses puissances en une seule. Puis, à mesure que les hommes ont compris l'essence des attributs divins, ils ont retranché de leurs symboles les croyances qui en étaient la négation.

18.- En résumé, Dieu ne peut être Dieu qu'à la condition de n'être surpassé en rien par un autre être ; car alors l'être qui le surpasserait en quoi que ce soit, ne fût-ce que de l'épaisseur d'un cheveu, serait le véritable Dieu ; pour cela, il faut qu'il soit infini en toutes choses.

C'est ainsi que l'existence de Dieu étant constatée par le fait de ses oeuvres, on arrive, par la simple déduction logique, à déterminer les attributs qui le caractérisent.

19.- Dieu est donc la suprême et souveraine intelligence ; il est unique, éternel, immuable, immatériel, tout-puissant, souverainement juste et bon, infini dans toutes ses perfections, et ne peut être autre chose.

Tel est le pivot sur lequel repose l'édifice universel ; c'est le phare dont les rayons s'étendent sur l'univers entier, et qui seul peut guider l'homme dans la recherche de la vérité ; en le suivant, il ne s'égarera jamais, et s'il s'est souvent fourvoyé, c'est faute d'avoir suivi la route qui lui était indiquée.

Tel est aussi le critérium infaillible de toutes les doctrines philosophiques et religieuses ; l'homme a pour les juger une mesure rigoureusement exacte dans les attributs de Dieu, et il peut se dire avec certitude que toute théorie, tout principe, tout dogme, toute croyance, toute pratique qui serait en contradiction avec un seul de ces attributs, qui tendrait non seulement à l'annuler, mais simplement à l'affaiblir, ne peut être dans la vérité.

En philosophie, en psychologie, en morale, en religion, il n'y a de vrai que ce qui ne s'écarte pas d'un iota des qualités essentielles de la Divinité. La religion parfaite serait celle dont aucun article de foi ne serait en opposition ces qualités, dont tous les dogmes pourraient subir l'épreuve de ce contrôle, sans en recevoir aucune atteinte.

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